Le cauchemar de la France qui gagne

Les Portugais ont gagné. Ouf !

Christophe Kantcheff  • 13 juillet 2016
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Le cauchemar de la France qui gagne
© Photo : FRANCK FIFE / AFP.

Évra passe à Gignac, qui se défait du marquage de Pepe et tire. La balle rase le poteau, rentre dans la cage. 1 à 0 pour la France contre le Portugal, à quelques secondes de la fin du match. Une énorme clameur retentit dans le Stade de France. François Hollande bondit de son siège, infligeant une nouvelle ruade au président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, qui l’envoie à terre. Interrogé dans la tribune officielle, Manuel Valls commente : « Chez nous, nous étions invincibles. Cette victoire, c’est l’occasion d’être fiers de nous-mêmes, d’avoir confiance en nous-mêmes. » Jacques Vendroux, l’interviewant pour France Info, acquiesce obséquieusement à tous les propos du Premier ministre, en journaliste indépendant qu’il est.

Des hordes de « supporters » se jettent dans les rues en criant : « Les Français premiers ! Les Français d’abord ! » Tout à sa liesse hystérisée par la chaleur et la promiscuité, la fan zone du Champ-de-Mars est soudain traversée par un vent de panique dû à une hypothétique explosion : on se met à courir, à se marcher dessus, tandis que la voix du speaker du stade continue de retentir, rappelant les grandes valeurs du sport…

Le lendemain, les unes des journaux s’extasient : « On a touché l’impalpable ! », titre L’Équipe. « Grisés par Grizou ! », arbore Libération. Même le Sun oublie le Brexit : « The French on the Top of Europe ! » Les Bleus, arrivés dans leur bus siglé « Champions d’Europe » depuis le début de la compétition, sont reçus à l’Élysée. Le président de la République leur offre un plat de lentilles après avoir récité le bénédicité, pour faire plaisir à Olivier Giroud. À leur sortie, sur le perron, François Hollande déclare tout à trac qu’il se représente à l’élection présidentielle, avant d’embrasser un à un les footballeurs, qui de fait participent à leur corps défendant à la promotion du néo-candidat. « Je mènerai la France comme Didier Deschamps son équipe », profère-t-il, énonçant ainsi l’intégralité de son programme. Sa cote de popularité bondit de 16 à 86 %, et c’est alors… que mon réveil sonne ! Je reprends pied dans le réel, m’extrayant difficilement de ce songe cauchemardesque. Nous sommes lundi matin. Les Portugais ont gagné. Ouf !

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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