Pollutions, spoliations, impunité : les peuples autochtones demandent réparation

La voix des nations premières américaines a souvent dominé les débats au forum social mondial de Montréal. Le saccage écologique prend une dimension particulière sur leur territoire, car leurs droits sont régulièrement bafoués par les firmes et les gouvernements.

Patrick Piro  • 15 août 2016
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Pollutions, spoliations, impunité : les peuples autochtones demandent réparation
photos Patrick Piro. Dans l'ordre d'apparition : Vanessa Gray, Berta Zúñiga Cáceres, Judy Da Silva, Sylvia McAdam

Des pipelines, des barrages, des industries lourdes très polluantes… Les territoires indigènes sont une cible privilégiée des « projets de développement », au Sud comme au Nord. Les ressources y ont souvent été peu exploitées, les populations peu nombreuses et éloignées des centres urbains où se concentrent les mobilisations citoyennes. « Nous ne sommes que 800 sur 25 000 km2 (1)», présente Judy Da Silva, de la communauté Grassy narrows, dans le nord-ouest de l’État canadien de l’Ontario. Un cas d’espèce : l’eau et la terre y ont été contaminées suite au déversement de tonnes de mercure par une firme papetière dans les années 1960, et le gouvernement vient seulement prendre en considération des décennies de revendications émises dans le vide par les Grassy narrows.

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La doctrine de la “Découverte” du continent imprègne la philosophie de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis l’arrivée des Blancs. Leur vérité, c’est que nous sommes expulsables sur des territoires où nous avons toujours vécu

Peut-on créditer de meilleures intentions le nouveau gouvernement canadien du libéral Justin Trudeau ? « Non, je ne crois pas. Nous devons compter sur nous, et sur l’appui de la société civile », répond Vanessa Gray, dont la nation Aamjiwnaang est exposée à d’intense pollutions cancérigènes dans la « Vallée de la chimie » au Sud de l’Ontario, et confrontée à l’indifférence des entreprises et des autorités.

analyse la juriste Sylvia McAdam, de la nation Cree dans l’État canadien de la Saskatchewan, et co-fondatrice de Idle no more (Jamais plus l’inaction).

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Le sentiment d’impunité est largement partagé au sein des populations autochtones. Et son expression est plus particulièrement poignante, lors de ce FSM, lorsque témoignent les propres filles de Berta Cáceres. La militante écologiste du peuple lenca (Honduras) a été assassinée en mars dernier pour s’être opposée au barrage hydroélectrique prévu sur la rivière Água Zarca, sacrée pour les communautés locales. Cinq mois plus tard, l’enquête piétine. Pas étonnant, insinue la jeune Berta Zúñiga Cáceres : le projet fait partie d’une série de gros aménagements décidés par le gouvernement installé au Honduras à la suite du coup d’État de 2009, en collusion avec de puissants intérêts économiques.

La concentration des scandales environnementaux au sein des populations non blanches et pauvres, aux États-Unis, a conduit les mouvements sociaux à dénoncer un « racisme environnemental », comme le présente Leona Morgan. Elle est chargée du programme de surveillance de la radioactivité du mouvement Diné no nukes (Pas de nucléaire chez les Navajos) au Nouveau-Mexique (États-Unis) : l’exploitation de l’uranium a laissé sur le territoire de sa nation près de 500 sites radioactifs qui n’ont jamais été décontaminés, exposant les populations locales à des risques sanitaires constants, car les lois en vigueur quand les mines ont été ouvertes n’en imposaient pas l’obligation aux propriétaires. « Le nucléaire n’est pas recensé comme une énergie sale. On se concentre sur les hydrocarbures, mais l’uranium est encore pire ! Il faut faire évoluer les esprits et globaliser les luttes ! »

(1) l’équivalent de cinq départements français

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