Adama Traoré : La famille dans le collimateur

La mort d’Adama Traoré le 19 juillet à Beaumont-sur-Oise entre les mains des gendarmes donne lieu à une escalade de violences… et d’humiliations pour sa famille qui réclame justice.

Vanina Delmas  • 30 novembre 2016 abonné·es
Adama Traoré : La famille dans le collimateur
© Photo : DOMINIQUE FAGET/AFP

Le 19 juillet, les gendarmes interpellent Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise. Quelques heures plus tard, ils constatent son décès. Le jour de son 24e anniversaire. La famille dénonce une bavure des forces de l’ordre. Une hypothèse à prendre en compte tant les circonstances de sa mort et l’attitude des autorités sont troubles. La version officielle parle d’un malaise cardiaque, la première autopsie ne signale que des « égratignures », selon les déclarations d’Yves Jannier, le procureur de Pontoise, alors en charge de l’affaire, aujourd’hui muté. Jamais il n’évoquera les symptômes d’asphyxie, car cela remettrait en cause le « plaquage ventral », effectué par trois agents lors de l’interpellation.

Cette méthode d’immobilisation, pouvant être mortelle, a maintes fois été dénoncée par des associations de défense des droits de l’homme. Près de deux mois après le drame, un pompier présent pour secourir Adama Traoré affirme qu’il l’a trouvé menotté et « face contre terre », et non en position latérale de sécurité. Un témoignage qui s’oppose à la version des gendarmes, relance les soupçons de violences des forces de l’ordre, et met en lumière les contradictions du procureur de Pontoise.

Au-delà de cet imbroglio judiciaire, les tensions sont montées d’un cran en novembre. La maire UDI de Beaumont-sur-Oise, Nathalie Groux, porte plainte contre Assa Traoré, la sœur de la victime, pour ses propos tenus dans l’émission « Le Gros Journal », sur Canal + : « La maire de Beaumont a choisi son camp, elle se met du côté des gendarmes, c’est-à-dire du côté des violences policières. »

Le silence de l’élue face à cette famille en deuil ainsi que l’ordre du jour d’un conseil municipal axé sur le vote de la protection fonctionnelle, permettant à la maire de bénéficier d’une aide financière pour ses propres frais de justice, déclenchent des heurts dans le quartier. Bagui et Youssouf Traoré, deux frères d’Adama, sont accusés d’agression sur des policiers, interpellés et placés en détention « pour prévenir les violences urbaines ». Un comble ! Le recours en référé-liberté déposé par Me Yassine Bouzrou contre leur détention provisoire sera finalement examiné le 6 décembre par la cour d’appel de Versailles, en formation collégiale. Preuve de la complexité de l’affaire.

Bernard Cazeneuve a reçu la maire de la ville pour l’assurer de son soutien, mais n’a jamais envoyé de condoléances à la famille. Quatre mois qu’elle (ré)clame « Justice et vérité pour Adama ». Toujours rien, sauf une escalade de violences, de silences et d’incompréhensions.

Pour aller plus loin…

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »
Entretien 6 novembre 2025

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »

Elle a été blessée gravement lors de la manifestation contre les mégabassines, en mars 2023 et déposé plainte. Pour Alix*, les révélations de Mediapart et Libération démontrent le caractère institutionnel de la violence au sein de la gendarmerie.
Par Pierre Jequier-Zalc
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes
Enquête 5 novembre 2025 abonné·es

Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes

Une plainte pour « abus d’autorité » a été déposée contre le préfet des Hautes-Alpes par une famille expulsée illégalement en septembre. Celle-ci était revenue en  France traumatisée et la mère avait fait une fausse couche, attribuée au stress causé par l’expulsion.
Par Pauline Migevant
Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique
Récit 5 novembre 2025 abonné·es

Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique

Le grand mouvement social de 1995 a vu l’apparition d’une dizaine de futurs visages de la gauche, des figures qui, en trois décennies de vie publique française, n’ont jamais abandonné le combat. Très souvent en faveur de l’union de la gauche.
Par Lucas Sarafian
1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé
Syndicats 5 novembre 2025

1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé

Dans un contexte de fin des utopies politiques et de tournant social-libéral, le mouvement de 1995 catalyse une recomposition syndicale profonde. L’unité d’action, l’émergence de nouvelles organisations et le rôle central des assemblées générales en font le point de départ d’un renouveau syndical toujours inachevé.
Par Benoît Teste