Turquie : Le sultanat rêvé d’Erdogan

Dans sa volonté d’autocratie, le Président turc continue de concentrer tous les pouvoirs en ses mains.

Politis  • 23 novembre 2016 abonné·es
Turquie : Le sultanat rêvé d’Erdogan
© Photo : MURAT KAYNAK / ANADOLU AGENCY / AFP

Recep Tayyip Erdogan aime à glorifier le passé impérial ottoman. À croire qu’il se rêve en sultan… Dans sa volonté d’autocratie s’appuyant sur une conception réactionnaire de la religion en politique, le Président turc continue de concentrer tous les pouvoirs en ses mains, jusqu’aux recteurs d’université, qu’il nommera désormais lui-même. Préparant l’instauration d’un régime présidentiel strict, il a fait annoncer – par son ministre des Eaux et Forêts ! – que le poste de Premier ministre sera supprimé, le Président se voyant secondé par « plusieurs vice-présidents ». La réforme constitutionnelle sera soumise à référendum « au printemps prochain ».

Pendant ce temps, les arrestations d’opposants, de fonctionnaires, de parlementaires (surtout du HDP, parti de gauche pro-kurde) et de journalistes se poursuivent, y compris étrangers. Après le Français Olivier Bertrand, expulsé, deux reporters suédois ont été interpellés dans le sud-est du pays à forte population kurde. Là où plusieurs maires ont été jetés en prison la semaine dernière. Les « médias occidentaux » ont d’ailleurs été à nouveau accusés par Erdogan d’avoir de la « sympathie » pour « les terroristes du PKK » et « les comploteurs du 15 juillet », date du coup d’État avorté. Ces déclarations à l’emporte-pièce ont été faites, depuis le palais présidentiel à Ankara, alors qu’Erdogan lançait en personne une nouvelle télévision d’informations en anglais, destinée à être une « fenêtre sur le monde » pour « dire les vérités de notre nation » (sic). Le climat en Turquie est si pesant que l’Allemagne a vu s’envoler le nombre des demandes d’asile de ressortissants turcs ces dernières semaines, y compris de militaires en poste dans les institutions de l’Otan. Toutefois, l’apprenti sultan n’a pas encore toutes les coudées franches : devant le tollé suscité, il a dû retirer, mardi 22 novembre, un projet de loi sur les viols prévoyant la possibilité d’une amnistie pour l’agresseur si celui-ci épousait sa victime…

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier