La « Belle alliance » de Cambadélis fait un bide

Alors qu’elle se voulait populaire, la première convention nationale de la « convergence » voulue par le premier secrétaire du PS a rassemblé à peine plus de 2 000 personnes.

Michel Soudais  • 4 décembre 2016 abonné·es
La « Belle alliance » de Cambadélis fait un bide
© Photos : Michel Soudais

Des chaises vides en veux-tu en voilà. Des ténors du PS aux abonnés absents. Les candidats socialistes à la primaire, organisée par leur parti, invisibles. La « grande convention nationale » de la Belle alliance populaire (BAP), censée lancer les « primaires citoyennes » des 22 et 29 janvier, devait être l’événement politique du week-end. En septembre, Jean-Christophe Cambadélis évoquait une manifestation qui rassembleraient quelque 10.000 personnes. Elle n’a pas mobilisé les foules – il y avait à peine plus de 2 000 personnes –, hormis celle des journalistes.

Pourtant la rue de Solferino avait multiplié les cars pour remplir le hall du Paris-Event, porte de la Villette, ce samedi 3 décembre. Mais ceux des fédérations les plus fidèles à François Hollande étaient, nous a-t-on rapporté, plus d’à moitié vide. Le décorum était aussi digne d’une campagne présidentielle ou d’un congrès, avec une scène monumentale devant un écran aux dimensions exceptionnelles (au moins 20 mètres sur 6), des grands écrans installés dans la salle, dont les piliers avaient été habillés aux couleurs de la manifestation du jour…

Las, cette « convention » n’aura été qu’un long meeting de trois heures, sans un vote, sans une intervention de la salle, garnie de spectateurs assez âgés. Une grande messe durant lesquels les intervenants, notamment les ministres Estelle Grelier, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Vincent Placé et Emmanuelle Cosse – ont essentiellement vanté le bilan du gouvernement, rendu hommage à François Hollande qui « par sa décision enjoint [les socialistes] de [se] rassembler, de [s’]unir », a martelé Bruno Le Roux, le président du groupe des députés PS et apparentés.

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De fait, ils ont beaucoup appelé à la « mobilisation de la gauche » contre la droite et l’extrême droite. Car ce rassemblement, programmé à dessein une semaine après la primaire de la droite, devait lancer la primaire de la BAP et initialement servir de rampe de lancement pour la candidature de François Hollande. Après le forfait de ce dernier et dans l’attente de la candidature de Manuel Valls, quoi de mieux pour resserrer les rangs que de cogner sur le programme « réactionnaire » de la droite, porté par François Fillon.

Dans son discours de clôture, Jean-Christophe Cambadélis n’a pas eu de mots assez durs. Le premier secrétaire du PS l’a dépeint comme un homme « à l’image » de « la droite des gens aisés » qui l’a choisi, qui « a beaucoup navigué en politique ». Il a fustigé son « projet de casse sociale, de régression morale ». L’a décrit comme un « homme sous influence : [Henri] de Castries [ex-Pdg d’Axa] pour l’économie, [Vladimir] Poutine pour la politique étrangère, Sens commun pour les problèmes de société. » Le patron du PS a, semble-t-il, oublié que le même Henri de Castries, issu de la fameuse promotion Voltaire de l’Ena, avait lâché Nicolas Sarkozy pour François Hollande, contribuant même au financement de sa campagne en 2012 via le cercle de Jean-Jacques Augier, « Répondre à gauche avec François Hollande ». Avant d’embaucher, en début d’année, chez Axa, Laurence Boone, qui avait succédé à Emmanuel Macron au poste de conseiller économique du Président pendant 18 mois.

Face au danger, le patron du PS a une nouvelle fois appelé Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, mais pas Yannick Jadot (EELV) qui militait en début d’année pour une primaire de toute la gauche, ni Sylvia Pinel (PRG) dont la formation a pourtant trois ministres au gouvernement, à rejoindre ce qu’il appelle « la primaire de la gauche » :

Oui, la primaire, c’est le moyen d’imposer l’unité, de faire en sorte que les familles séparées se retrouvent, et encore une fois, à mon tour, je lance un appel à ceux qui n’ont pas compris aujourd’hui que la modernité c’est que le peuple tranche et non pas de trancher à la place du peuple.

Cette envolée lyrique – les électeurs d’une primaire ne sont pas « le peuple », tout juste une partie plus consciente et plus politisée – vise à masquer l’échec de la BAP dont le périmètre n’a cessé de se réduire.

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Un projet manqué

Imaginée par Jean-Christophe Cambadélis après le congrès de Poitiers (juin 2015), la Belle alliance populaire devait initialement « dépasser » le PS. Le 15 décembre 2015, après la déroute des régionales, le patron du PS appelait « les socialistes à la rupture avec le parti qui a été constitué à Épinay, (…) à la rupture avec la stratégie (…) développée depuis cette époque ». Ce devait être « une rupture avec les méthodes, l’organisation, la structuration » qui avaient été celles du PS depuis ce congrès d’unification de 1971.

Lancée par un appel initialement prévu début février, mais plusieurs fois repoussé pour cause de divergences majeures notamment sur la déchéance de nationalité, elle devait rassembler tous les alliés du PS, des citoyens, « le mouvement syndical et – s’ils le désirent – un certain nombre de responsables du mouvement syndical ». M. Cambadélis imaginait de constituer des « collectifs départementaux [et] régionaux » et prévoyait déjà d’organiser « à l’automne 2016 une grande convention qui aura vocation à fixer un agenda, une perspective (…) de substitution au Parti socialiste, d’une formation politique rassemblant tous ceux qui auront participé à ce rassemblement ». Il n’était évidemment plus question de cela samedi.

Car dès son véritable lancement, le 13 avril, par une conférence de presse au Paname Art Café, dans le 11e arrondissement de Paris, la BAP est apparue comme une excroissance du PS, rien de plus. Étaient présents: Jean-Christophe Cambadélis et Julien Dray pour le PS, Sylvia Pinel pour le PRG, Jean-Luc Bennahmias et Jean-Vincent Placé pour l’Union des démocrates et écologistes, sorte de confédération qui rassemble deux toutes petites formations représentées également : Force démocrate avec Christophe Madrolle et le Parti écologiste avec François de Rugy et Denis Baupin.

Manque déjà ce jour-là un allié du PS sur la photo : le sénateur du Val-d’Oise, Robert Hue. Pour l’ancien numéro un communiste, fondateur d’un petit Mouvement des progressistes (MdP), la BAP « n’est qu’un faux nez du Parti socialiste visant – ses dirigeants ne s’en cachent pas – à sa transformation en « grand parti social démocrate » », explique-t-il dans un communiqué. Il refuse de jouer les « supplétifs » d’une alliance qui « ne répond ni aux attentes ni au besoin [sic] de la gauche » et craint que cette alliance, « au-delà de quelques arrangements électoraux pour les futures législatives, soit ou apparaisse comme un nouvel échafaudage politicien à mille lieues de la réhabilitation de la politique qu’attendent nos concitoyens ».

Deux mois plus tard, le PRG claquait la porte. Génération écologie, qui s’était rallié, en est ressorti la semaine dernière. Une guigne pour le PS qui, selon le Canard enchaîné (30 novembre), ne compte plus que 43 200 adhérents à jour de cotisation, et aurait bien besoin de se « dépasser ».