No pasarán, mais un peu quand même

Les mêmes qui prétendent barrer le passage à l’extrême droite lui ont ouvert un boulevard.

Sébastien Fontenelle  • 7 décembre 2016 abonné·es
No pasarán, mais un peu quand même
© Photo : JOEL SAGET / AFP.

L’autre jour – samedi – y avait, comme l’annonçait le Parti « socialiste » (P« S ») à gros renfort de tweets, la « Grande convention nationale de la Belle Alliance populaire ». (Soit dit en passant : je n’ai, pour ce qui me concerne, toujours pas bien compris ce que c’était que ce truc.)

Le chef desdits « socialistes », Jean-Christophe Cambadélis (J2C), était là, et tout d’un coup, dans le cours de son intervention, ses nerfs ont lâché : il a commencé à se prendre pour la colonne Durruti, le pauvre, et à balancer du no pasarán long comme le bras.

Genre : « Nous ne voulons pas qu’ils passent ! » Puis aussi : « Ils ne passeront pas ! » Et encore : « Stigmatisation de nos concitoyens musulmans, ça ne passera pas ! Remise en cause du droit du sol, ça ne passera pas ! »

Entendons-nous bien : dans l’absolu, J2C a parfaitement le droit de se prendre pour un héros de l’antifascisme et de se raconter que son parti est notre dernier rempart contre les droites fillono-pénistes. Mais, en même temps, faudrait quand même que quelqu’un(e), parmi les sien(ne)s, trouve le temps de lui tempérer la mythomanie avant qu’elle ne tourne trop au foutage de gueule caractérisé. Parce qu’en vrai, dans la vraie vie, la « stigmatisation de nos concitoyens musulmans » est déjà « passée » comme dans du beurre. Et, si mes souvenirs sont bons, les « socialistes » et leur patron se sont tenu(e) s très (très) coi(te)s. Il est vrai : elle émanait aussi de représentants de leur propre camp. Et non des moindres puisqu’il s’agissait de Manuel Valls, Premier ministre, appelant (après Jean-Pierre Chevènement) les mahométan(e)s à la « discrétion », ou de François Hollande, président de la République, décrétant qu’« il y a un problème avec l’islam » (liste non exhaustive).

Itou, avant que J2C ne promette que la « remise en cause du droit du sol » ne « passera[it] pas » non plus, c’est Manuel Valls qui a posément proclamé que les Roms avaient « vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ». Et c’est François Hollande qui a tranquillement déclaré, dans le calme des entretiens au long cours avec deux journalistes du Monde qui ont rythmé son quinquennat : « Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là. C’est Sisyphe ! On les fait parler français, et puis arrive un autre groupe, et il faut tout recommencer. Ça ne s’arrête jamais […]. Donc, il faut à un moment que ça s’arrête [^1] »

Après cela, évidemment, il est un peu difficile de s’étonner que l’extrême droite – dans ses diverses composantes et incarnations du moment – se sente ces temps-ci d’humeur si conquérante et si décomplexée.

Car, en vérité, les mêmes qui prétendent aujourd’hui – et toute vergogne bue – lui barrer le passage viennent de passer de longues années à lui ouvrir un boulevard, en acceptant notamment que les thématiques identitaires où elle a cimenté son emprise deviennent l’alpha et l’omega du débat public.

« Ils ne passeront pas ? » Mais mon gars : « ils » sont déjà là. Et c’est toi et tes potes qui les avez fait entrer.

[^1] Relis, vomis.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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