« Le Parc », de Damien Manivel : La nuit fauve

Le Parc, de Damien Manivel, part d’une classique rencontre entre un garçon et une fille puis bascule dans l’onirisme.

Christophe Kantcheff  • 5 janvier 2017 abonné·es
« Le Parc », de Damien Manivel : La nuit fauve
© Shellac

Le film commence avec la même retenue dont font preuve les deux jeunes personnages l’un envers l’autre. Un garçon et une fille. C’est leur premier rendez-vous, sur un banc, dans un parc. Le plan est cadré large : on est loin d’eux tout comme eux gardent, pour l’instant, leurs distances. Ils vont faire lentement connaissance, timidement, en se posant des questions simples : « Où habites-tu ? », « Quel métier font tes parents ? »

Pour son second long métrage, Le Parc, Damien Manivel filme tout d’abord une rencontre, un apprivoisement réciproque, un moment de séduction douce. Ils sont maladroits, peu inspirés dans leurs réponses – leur esprit et leur cœur vagabondent sans doute déjà ailleurs. La seule « excentricité » vient d’elle, Naomie (Naomie Vogt-Roby), quand elle se met en équilibre sur les mains et qu’elle invite Maxime (Maxime Bachellerie) à en faire autant, lui proposant son aide.

Ils ne quittent pas le parc, qui finit par paraître immense. Non seulement parce qu’ils le parcourent en tous sens, mais parce qu’il semble contenir toutes les promesses de ce couple naissant, comme le « vert paradis » baudelairien rassemble à celles de l’enfance. Des caresses affleurent, des étreintes, un baiser, Maxime enlève son tee-shirt pour que Naomie puisse respirer sa peau.

Les lumières d’été déclinent. Le garçon pense à rentrer alors que la fille a tout son temps. Premier écart. Ils se séparent mais il n’est pas interdit de penser qu’ils se retrouveront vite. Sauf que l’histoire change d’aiguillage. Le film naturaliste un peu ténu sur la rencontre d’un garçon et d’une fille prend une nouvelle direction, inattendue et intrigante.

Dans un premier temps, le parc disparaît non du cadre mais de l’horizon : Naomie se focalise sur son téléphone portable car elle a engagé une conversation a ­posteriori avec Maxime. Celle-ci tourne au fiasco et au désespoir pour la jeune fille, un désespoir d’autant plus expressif que le cinéaste filme en plan-séquence ce long moment, cadré serré sur le visage de Naomie, tandis que le texte des SMS apparaît en ­surimpression.

Le film se transforme alors définitivement, touchant au fantastique. La nuit tombée, Naomie est réveillée par le gardien (Sobere Sessouma), alors qu’elle s’était endormie dans un sentiment d’abandon. Tous deux entament une randonnée singulière dans ce parc, qui se métamorphose en une épaisse forêt mystérieuse, traversée par un long cours d’eau qu’ils descendent sur une barque, environnés de cris étranges d’animaux. L’onirisme – conscient ? inconscient ? – de Naomie est une façon pour elle de réagir à sa déception amoureuse, qui est aussi une belle idée de mise en scène. Le Parc réserve bien des surprises, dont un basculement poétique progressif.

Le Parc, Damien Manivel, 1 h 12.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes