Insoumission et concessions

Si d’aucuns s’offusquent de certaines proférations de Mélenchon, ce sont des abrutis ou des traîtres.

Sébastien Fontenelle  • 1 février 2017 abonné·es
Insoumission et concessions
© Photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Camarades mélenchonistes, il faut maintenant que je vous le dise : je ne suis plus très loin (du tout) de vous trouver parfois un peu fatigant(e)s. En quelques occasions, même, certain(e)s d’entre vous – n’essentialisons pas – n’êtes pas loin de me peser un peu lourd sur les parties basses, comme on dit en Syrie.

Je vous vois sur les réseaux sociaux.

Je vous vois vous énerver sitôt qu’on émet – sur la Syrie, précisément, mais pas que, beaucoup s’en faut – des avis trop écartés de vos points de vue d’« insoumis(e)s ». Je vous vois des fois partir en vrille, quand on a l’effronterie de suggérer que le camarade Mélenchon n’est pas infaillible, que sa parole n’est pas que d’or à 24 carats – et qu’il arrive même, accrochez-vous au bastingage, qu’elle soit discrètement plombante, quand il demande par exemple à un jeune musulman : « Pourquoi tu te déguises en Afghan ? » Ou quand il explique au Monde qu’en matière d’« immigration » il est « parfois favorable à une politique des quotas, en fonction des besoins ». Ou quand il évoque le « travailleur détaché qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place ». Ou quand il semble éprouver de la difficulté à considérer tout crûment que les sales guerres étrangères de Poutine ne sont pas plus défendables que celles des Yankees.

Dans ces moments-là, vous vous oubliez. Si d’aucun(e)s s’offusquent de ces proférations, vous les vitupérez : ce sont des abruti(e)s, ou des traîtres à la gauche, ou des agents impérialistes, ou que sais-je encore, qui feraient dire à « Jean-Luc » ce que « Jean-Luc » n’aurait pas dit.

Sauf que si, bien sûr : « Jean-Luc » a réellement dit ces choses – et cela n’induit nullement que tout soit chez lui scandaleux, mais je le crédite quant à moi de trop de subtilité pour imaginer une seconde qu’il puisse ne pas peser au trébuchet chaque mot qu’il prononce depuis son entrée en campagne, et je trouve un peu consternant qu’il ne résiste pas à la facilité de mélanger sa rhétorique de ces concessions trop récurrentes à l’air droitier du temps.

Mais surtout – j’y reviens : je suis régulièrement estomaqué par la violence de vos réactions quand, à gauche, on a l’impudence d’égratigner votre candidat en exprimant un désaccord. Régulièrement sidéré de vous voir soudain abdiquer toute mesure pour lancer dans le meilleur des cas des anathèmes aux contrevenant(e)s – et, dans le pire, des insultes. Très sincèrement, pour des laïques, vous cédez là un peu trop vite à ce qui ressemble d’assez près au commencement d’une bigoterie.

Hier soir encore, après que Benoît Hamon venait de remporter la primaire que vous savez, vous vous êtes déchaîné(e)s, et je comprends, ô combien, qu’on se défie d’un « socialiste », mais, de grâce, canalisez-vous : après tout, et à dire vrai, je ne suis pas certain que ses mains tendues vers celles et ceux qui sont partout montré(e) s du doigt me soient beaucoup plus insupportables que certaines raides gronderies drapeautiques de « Jean-Luc ».

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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