L’élection vue de Grèce : « Les forces montantes, on ne peut pas les écarter longtemps du pouvoir »
Politis donne la parole à des militants politiques étrangers. Vue de Grèce, le score des candidats « antisystème » est une bonne nouvelle pour l’ancien membre du gouvernement Syriza, Odysseas Boudouris.
Vu de Grèce, ce qui est frappant c’est le fait que les partis traditionnels se sont effondrés et que les candidats antisystème, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, ont fait des scores importants. C’est un rejet très net de la politique libérale qui a été suivie par les socialistes et les républicains. C’est un événement que je rapprocherais du succès de Syriza en janvier 2015, de la victoire du « non » au référendum européen de 2005 en France et du vote des Britanniques pour le Brexit.
Marine Le Pen est clairement héritière d’un parti d’extrême droite. Jamais je ne pourrais voter pour elle pour des raisons idéologiques. Mais elle a bâti son succès sur trois points : la xénophobie, une caractéristique de l’extrême droite, mais aussi l’opposition à l’élite néolibérale, un thème plutôt emprunté à la gauche, ainsi que le souverainisme et l’opposition à une Europe allemande. Tous ces éléments distinguent selon moi le FN de l’extrême droite telle qu’elle existe en Grèce, avec Aube dorée [parti néonazi]. Cela ne veut évidemment pas dire que j’adhère aux idées de Marine Le Pen, ou que je pense qu’elle appliquera la politique sociale qu’elle défend. L’exemple de Trump aux États-Unis a montré qu’on pouvait gagner en motivant la classe moyenne contre une mondialisation qui favorise les élites et poursuivre ensuite une politique favorable aux élites.
Toujours est-il que le FN pénètre l’espace politique de la gauche traditionnelle, notamment chez les couches les plus défavorisées. Malgré cela, la gauche ne s’est pas effondrée. Jean-Luc Mélenchon a réussi à dire de façon claire et nette ce que les communistes, par complexe de leur passé, n’osent pas dire. Je partage la plupart de ses analyses et j’aurais aimé qu’il accède au second tour face à Marine Le Pen, pour voir si les forces du camp démocratique auraient appelé à voter pour lui. Malheureusement, la gauche a pris un retard historique, qui a permis à Marine Le Pen d’exprimer les forces populaires. J’espère qu’il pourra le rattraper.
Si Macron est élu, il ne sera pas un allié de la Grèce. Car il est allié avec les forces que nous affrontons : l’Allemagne omnipotente qui poursuit l’objectif d’une Europe allemande et le FMI, qui veut appliquer une politique néolibérale pure et dure.
Il est incontestable que Marine Le Pen, toutefois, effraie. Mais je me demande si son élection serait si catastrophique, dans la mesure où elle n’aura certainement pas la majorité au Parlement. Ce que je crains en revanche, c’est que si elle n’est pas élue en 2017, elle le soit en 2022, avec cette fois-ci le risque qu’elle obtienne une majorité, une fois que l’échec de Macron aura jeté encore plus de discrédit sur les partis traditionnels. Les forces montantes, on ne peut pas les écarter longtemps du pouvoir. Plus on retarde leur accession, plus on crée les conditions d’un succès plus éclatant. »
Lire aussi >> Les réactions de Charlotte Marchandise-Franquet (candidate citoyenne), Axel Troost (Die Linke) et Raimundo Viejo Viñas (Podemos) et de Angélique Kourounis : La Grèce passionnée par la présidentielle française.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don