Climat : Trump n’attend pas quatre ans pour torpiller l’accord de Paris

Les décisions prises chaque jour par la Maison Blanche montrent que les États-Unis ont déjà commencé à se désengager de toute action contre le changement climatique.

Claude-Marie Vadrot  • 28 juin 2017
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Climat : Trump n’attend pas quatre ans pour torpiller l’accord de Paris
© photo : Cheriss May / NurPhoto

Depuis que le Président américain a annoncé, le 1er juin dernier, le retrait des États-Unis de l’accord de Paris, les grands et petits pays signataires cherchent à se rassurer en expliquant que la décision ne sera effective que dans trois ou quatre ans. Mais la réalité est tout autre : l’administration américaine se dégage maintenant, scientifiquement, financièrement et diplomatiquement, de toute l’action mondiale contre les dérèglements climatiques.

Cette évolution a commencé lors de l’intronisation de Donald Trump le 20 janvier, puisque c’est à midi exactement, ce jour là, heure de son serment présidentiel, que les premiers dossiers concernant le climat ont disparu du site de la Maison Blanche. L’examen de la chronique de quelques petites et grandes décisions américaines, avant et surtout depuis l’annonce officielle du retrait, montre que les États-Unis se dégagent, rapidement et sans délai, de leurs responsabilités climatique et environnementale. Sous les applaudissements de l’électorat de Trump.

Après le refus du président américain de signer le volet environnemental et climatique du communiqué des six autres chefs d’État ou de gouvernement, lors du G7 du 27 mai en Sicile, le responsable de l’Agence fédérale pour l’environnement (EPA), Scott Pruitt, climatosceptique revendiqué, n’a fait qu’une brève apparition au G7 des ministres de l’Environnement à Bologne. Celui qui fait office de ministre de l’Environnement aux États-Unis n’a échangé que des banalités avec ses collègues et n’a même pas attendu l’arrivée de Nicolas Hulot. Il venait dire officieusement que son pays ne financerait plus la lutte climatique, ni dans le monde et ni aux États-Unis.

Scientifiques virés

La douzaine de responsables scientifiques du département du ministère de l’Énergie chargé de conseiller et d’aider les pays, essentiellement du Sud, souhaitant réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ont été virés. Et leur service, le seul à s’occuper de questions climatiques, supprimé.

Qualifiant le Fonds vert de « gaspillage », Donald Trump a suspendu les versements de la contribution américaine.

Il n’y a plus de délégation américaine, scientifiques ou diplomates, chargée de suivre et de préparer les conférences climatiques. Déjà, la représentation des États-Unis à la réunion préparatoire de la COP 23, en mai, avait été réduite à une quinzaine de personnes de disposant d’aucune instruction.

L’administration de la Maison Blanche veut réduire d’un tiers la production des éoliennes alors que pour la première fois l’électricité générée par le vent et le soleil a atteint 10 % de la consommation électrique. Le secrétaire d’État à l’Énergie Rick Perry, en annonçant que ses efforts concerneraient essentiellement le charbon et expliquant qu’il « ne croit pas que le CO2 soit le principal responsable de la montée globale des températures, mais que c’est plutôt les océans qui sont en cause ».

Satellites débranchés

Sur les 49 conseillers scientifiques de l’EPA qui ont échappé aux premières purges, 38 ne verront pas leurs contrats renouvelés à la fin du mois d’août, à commencer par ceux qui s’occupent de près ou de loin aux questions climatiques.

Au moins dix satellites américains cesseront de transmettre des observations et informations sur le climat à partir du même mois.

La Maison Blanche cherche les moyens légaux d’interdire aux États (la Californie par exemple) d’imposer des équipements et des voitures moins polluants et des législations plus protectrices du climat et de l’environnement que les réglementations fédérales.

Le nouveau responsable de l’Agence nationale pour l’atmosphère et les océans (NOAA), dont l’importance est capitale dans les recherches et les rapports sur l’évolution, n’est toujours pas nommé. C’est également le cas pour 39 (sur 46) des responsables scientifiques qui doivent être auditionnés puis approuvés par le Sénat. D’ailleurs, le poste de conseiller pour la science du président américain n’est toujours pas pourvu. Donald Trump ayant dû faire face à plusieurs refus liés à ses choix climatiques.

Les États-Unis ont refusé de s’associer, lors de la conférence sur les océans de l’ONU du 8 juin, à la partie de la déclaration finale évoquant les risques de l’augmentation des températures et de l’acidification des eaux.

La Californie nomme un envoyé spécial pour les COP

Les universitaires et chercheurs américains, malgré leurs protestations, voient leurs laboratoires et centres de recherche dont l’activité est liée au climat, progressivement privés de subventions ou de l’aide du mécénat. Ce n’est pas l’offre de venir travailler en France lancée par le président Macron qui améliorera leur sort.

Personne à la Maison Blanche ni à l’EPA n’est plus chargé des contacts avec la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) qui pilote depuis 1992 les conférences et recherches sur le réchauffement. Au point que la Californie a décidé de nommer un envoyé spécial permanent auprès des conférences climatiques.

Les États-Unis ont mis fin à leur importante contribution au financement du Giec. Et la plupart de leurs participations financières liées au climat ne figurent plus dans le budget 2018.

Le monde découvrira l’ampleur du désastre politique et climatique lors du G20 des 7 et 8 juillet au cours duquel les États-Unis n’auront guère que la Russie et l’Arabie Saoudite pour les soutenir.

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