Le PCF en quête d’identité

Plus que jamais isolé, le PCF doit se réinventer s’il ne veut pas sombrer dans une marginalisation durable.

Pauline Graulle  • 30 août 2017 abonné·es
Le PCF en quête d’identité
© photo : Denis Meyer/Hans Lucas/AFP

La révolution, le week-end dernier au PCF, on en parlait plus pour se changer soi-même que pour changer le monde. « Faire notre révolution en interne », « se réinventer », « agir avec plus d’audace » : dans les couloirs de la fac de lettres d’Angers (Maine-et-Loire), où le parti organisait son université d’été, les communistes n’avaient pas de mots assez forts pour dire qu’il était temps qu’une page se tourne. « On va faire preuve de créativité, tout passer en revue, sans tabou », promettait Pierre Laurent, le secrétaire national du parti, qui n’a toutefois pas oublié d’appeler ses troupes à « mobiliser fortement » pour la manifestation du 12 septembre à l’appel du mouvement syndical contre la « loi travail XXL ». « Ou on bouge, ou on finit comme la LCR », lâchait, plus prosaïque, un membre de la Jeunesse communiste.

Preuve que les interrogations sont inhabituellement fortes au sein des troupes, on n’avait jamais vu autant de participants au rendez-vous d’été du parti – plus d’un millier selon les organisateurs. Au point qu’au banquet du samedi soir les tables serpentaient à perte de vue dans les jardins du campus.

Besoin de se rassembler, d’échanger… Les communistes en ont gros sur le cœur : la dernière séquence électorale a été éprouvante. Onze députés PCF élus en juin : le résultat est objectivement décevant pour un parti ayant renoncé depuis une décennie à présenter un candidat « maison » à la présidentielle, au motif de se concentrer sur les législatives. Mais ce sont surtout les relations exécrables entretenues depuis un an avec la France insoumise (FI) – qui brillait par son absence à Angers, aucun représentant n’ayant fait le déplacement de Marseille, où le mouvement tenait aussi son université d’été – qui ont hanté les trois jours de débats. « Il y a de quoi être traumatisé, tempête un militant marseillais, on a fait la campagne présidentielle d’un type qui nous a ensuite accusés d’être ‘‘le parti de la mort et du néant’’ ! »

« Dans bien des circonscriptions, la stratégie de Mélenchon a été vécue comme une humiliation pour les communistes qui avaient fait sa campagne à la présidentielle et se sont vu imposer par le haut un candidat de la FI pour les législatives. Il y a de la colère et de l’incompréhension », explique Frédéric Durand, ex-candidat en Seine-Saint-Denis en face de l’insoumis Éric Coquerel.

Pire : si nombre de communistes ne veulent plus avoir affaire à une France insoumise jugée « arrogante », et au sein de laquelle ils dénoncent une pratique du pouvoir trop « verticale », ils sont bien obligés de l’avouer : non content de vouloir « remplacer le PS », Mélenchon empiète désormais largement sur leurs plates-bandes. « Jean-Luc ne nous a pas seulement pris des électeurs : désormais, pour beaucoup de gens, c’est lui qui incarne le merveilleux idéal que nous portons », déplore un cadre de la place du Colonel-Fabien.

La situation du PCF est d’autant plus délicate que, de l’autre côté, son allié historique, le PS, est en quasi-mort clinique. Impossible, dès lors, d’imaginer pouvoir compter sur lui pour nouer des alliances aux municipales de 2020. Quant au rapprochement avec Benoît Hamon, qui devait se rendre à Angers avant de finalement faire faux bond, rien ne dit que ce soit un ticket gagnant… Résultat, la crise existentielle est si forte que la date du prochain congrès, qui se tiendra en juin 2018, a été avancée d’un an. D’ici là, « on a huit mois pour définir le communisme du XXIe siècle », avance le directeur de cabinet de Pierre Laurent. Se trouver un nouveau leader et réfléchir à une ligne stratégique serait déjà un bon début.

Sur ce dernier point, tout semble pousser dans le sens de l’autonomie. Retrouver son propre chemin, se forger de nouveau une identité propre, renouer avec la « fierté » – selon le mot d’une participante – d’appartenir au PCF… « Il faut qu’on se mette dans une posture conquérante, qu’on s’adresse davantage à la société française et moins aux états-majors des autres partis, bref, qu’on arrête de dépendre des autres pour prendre des décisions », juge Ian Brossat, adjoint au logement à la mairie de Paris. André Chassaigne, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, compte quant à lui sur « l’équipe exceptionnelle » qui siège depuis juin au Palais Bourbon : Sébastien Jumel, Pierre Dharréville ou Elsa Faucillon, ces nouvelles têtes qui devraient, selon lui, donner bientôt un nouveau visage au parti.

Devant une salle inquiète du manque de visibilité des parlementaires, le député du Puy-de-Dôme s’est voulu confiant : « Ne faisons pas preuve d’une impatience petite-bourgeoise. C’est vrai que, pour l’instant, on est écrasés par la France insoumise, mais rien ne sert de faire la course à l’échalote avec eux, soyons nous-mêmes. » Membre du conseil national et nouvelle députée européenne, Marie-Pierre Vieu a elle aussi appelé à mettre « la barre très haut » pour poser les termes du débat pour le congrès : « On n’a pas d’autre choix que d’être constructif : il ne faut surtout pas tomber dans le règlement de comptes », confie-t-elle. Et d’ajouter : « L’autre écueil serait le repli identitaire, ce serait pire que tout. »

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