Le fusible Philippot a sauté
La « ligne Philippot », contestée par de nombreux cadres frontistes, était aussi et depuis plus longtemps celle de Marine Le Pen.

Le Front national n’a aucune culture du débat. Celui promis par Marine Le Pen après la présidentielle a tourné court avec le départ de Florian Philippot. Depuis le second tour, un conflit plus stratégique qu’idéologique opposait assez violemment les cadres frontistes. Les partisans d’un retour aux fondamentaux (défense de l’identité, dénonciation de l’immigration et de l’islam) accusant l’ancien chevènementiste « de gauchir » le discours du FN avec son « souverainisme-social », et de déboussoler l’électorat traditionnel avec une ligne « ni droite ni gauche ». Ce type de conflit, dont le FN est coutumier, « ne trouve généralement de solution qu’avec des départs », pronostiquions-nous le 22 juin.
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C’est le choix auquel Florian Philippot a été poussé. Conseiller du prince, sans véritables troupes hormis quelques dizaines de cadres diplômés qui vont désormais manquer au FN s’ils le suivent, il ne devait sa place qu’à la volonté de Marine Le Pen. Rétrogradé par celle-ci mercredi soir au rang de vice-président sans attribution pour avoir refusé de quitter la présidence de l’association « Les Patriotes », qu’il avait lancée au lendemain du 7 mai pour rassembler ses soutiens et défendre ses idées dans le débat ouvert au sein du FN, il a tiré de lui même les conséquences de ce désaveu :
On m’a dit que j’étais vice-président à rien… Écoutez, je n’ai pas le goût du ridicule, je n’ai jamais eu le goût de rien faire, donc bien sûr je quitte le Front national.
« Le Front s’en remettra sans difficulté », a réagi Marine Le Pen qui s’est formellement déclarée candidate à sa succession à la présidence du FN lors du congrès prévu au mois de mars 2018, s’estimant « la plus solide et la mieux placée » dans son mouvement pour l’élection présidentielle de 2022. Une autoglorification qui aurait été inutile il y a un an ou deux.
Car paradoxalement, le départ de Florian Philippot signe son affaiblissement. Ce qu’on a appelé « la ligne Philippot », mixte de souverainisme et de discours « social » qui devait contribuer à « dédiaboliser » le FN et élargir son audience, était celle que défendait Marine Le Pen bien avant que cet énarque n’adhère au parti d’extrême droite, en octobre 2011. Cette identité de vue explique son ascension immédiate dans l’appareil frontiste : directeur stratégique de la campagne présidentielle de Mme Le Pen en 2012, il est propulsé porte-parole du Rassemblement bleu marine en mai 2012 et, deux mois plus tard, vice-président en charge de la stratégie et de la communication, poste lui a permis d’être omniprésent dans les matinales des médias audiovisuel. Or c’est cette ligne politique que de nombreux cadres frontistes ont contesté ouvertement après les échecs électoraux du printemps. Pour se maintenir à la tête du parti cofondé par son père et calmer une fronde qui, en ciblant celui qui était devenu le symbole de la « dédiabolisation » du FN, la visait indirectement, Marine Le Pen a dû se résoudre à sacrifier son bras gauche et avec lui une partie des cadres qui devaient incarner un nouveau FN. Politiquement l’addition sera sûrement plus lourde qu’elle veut le croire.
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