Quelle organisation politique pour la gauche de transformation ?
Autour de cette question, à laquelle ils ont récemment consacré des essais, nous avons réuni Nicole Borvo Cohen-Séat, Patrice Cohen-Séat et Christophe Aguiton. Ils mettent en avant la nécessité de donner corps à un vaste projet partagé.
dans l’hebdo N° 1481 Acheter ce numéro

L’année a été rude pour la gauche. Les formations qui la composaient traditionnellement se meurent, de nouvelles formes d’organisation apparaissent, qui, sans toujours se réclamer de la gauche, en portent clairement les aspirations. Le beau score de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et la percée de la France insoumise qui l’accompagne n’ont toutefois pas complètement mis un terme aux interrogations qui divisent ce qu’on appelle « la gauche de transformation sociale et écologique ». En témoignent les réflexions que développent Nicole Borvo Cohen-Séat, ancienne présidente du groupe communiste au Sénat, et Patrice Cohen-Séat, président d’honneur d’Espaces Marx, ainsi que le militant syndical et associatif Christophe Aguiton, dans deux essais parus récemment. Ils ont bien voulu en débattre avec nous un après-midi à Politis. Venus d’horizons différents, ils convergent toutefois sur les limites du populisme de gauche et le nécessaire bras de fer à engager avec l’Union européenne.
Vous employez tous les trois le mot « gauche » dans le titre de vos ouvrages. En quoi est-il toujours signifiant ?
Nicole Borvo Cohen-Séat : Ce mot, en effet, a une signification. D’ailleurs, on voit dans les enquêtes de population que, même si beaucoup de personnes sont très critiques sur le bilan de la gauche au pouvoir, la plupart, y compris au sein des classes populaires, continuent de se déterminer sur un axe droite-gauche.
Aujourd’hui, la social-démocratie n’est plus crédible à gauche. Mais ce n’est pas la fin de la social-démocratie qui doit faire disparaître la gauche, bien au contraire !
Christophe Aguiton : Pour moi, la « gauche » est un concept important, d’abord parce qu’il se réfère à une histoire qui remonte à la Révolution française : à l’époque, il y avait ceux qui acceptaient le système en place (le veto royal), contre ceux qui prônaient l’émancipation humaine et l’égalité. Aujourd’hui, pour des raisons que l’on peut comprendre, Podemos comme la France insoumise ne se réclament pas de la gauche. Mais, en pratique, ce sont des programmes de gauche.
La réalité, c’est que nous assistons à une transformation très importante des gauches en Amérique du Nord et en Europe occidentale. Partout la réaction à la crise financière de 2008 entraîne un rejet très fort des politiques néolibérales et des partis de gouvernement. Cela donne la montée des partis xénophobes, certes, mais aussi des gauches radicales – Corbyn en Angleterre, Sanders aux États-Unis, Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, la France insoumise ici… Ces forces, qui représentent un renouveau très important, sont la marque de l’époque, et probablement pour longtemps.
Patrice Cohen-Séat : Je crois qu’il faut aussi rappeler que le mot « gauche » est réapparu au XXe siècle, à un moment où les partis issus du monde ouvrier (PCF, PS, Parti radical-socialiste) avaient besoin de se rassembler pour mener le combat politique. La gauche est donc un terme opératoire lorsque des formations différentes, mais se situant toutes dans un impératif