Mise à jour juridique pour Apple

Ouf, on peut encore dire que l’évasion fiscale est un délit.

Geneviève Azam  • 28 février 2018 abonné·es
Mise à jour juridique pour Apple
© CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

L’ordonnance de référé opposant la multinationale Apple à Attac-France, dans le cadre d’une campagne de l’association contre l’évasion fiscale, a été rendue : Apple est déboutée de l’ensemble de ses demandes, notamment celle d’empêcher toute future action, et elle est condamnée à verser 2 000 euros à Attac – somme certes symbolique compte tenu du redressement fiscal de 13 milliards d’euros au titre d’impayés d’impôts que lui réclame, en vain, la Commission européenne.

À l’heure où, à travers les négociations des traités de libre-échange, les multinationales déploient une activité sans précédent pour écrire le droit commun du commerce et de l’investissement, et s’affranchir des réglementations publiques et des « contraintes » sociales et environnementales, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris est réconfortant : « La simple pénétration de militants dans l’enceinte du magasin Apple Store Opéra, ou dans d’autres magasins situés en France, sans violence, sans dégradation et sans blocage de l’accès au magasin, ne suffit pas à caractériser un dommage imminent justifiant de limiter le droit à la liberté d’expression et à la liberté de manifestation des militants de l’association Attac, qui agissaient conformément aux statuts de l’association, et dans le cadre d’une campagne d’intérêt général sur le paiement des impôts et l’évasion fiscale. »

Pour Apple, qui ne peut souffrir une atteinte à son image de multinationale de la communication high-tech, libre, branchée, écologiste et horizontale, il s’agissait bien, en effet, d’une demande de sanctions envers Attac, faisant fi de ces vieilleries garanties par les États : liberté d’expression, de manifestation, voire liberté d’association. Que le tribunal de Paris prenne la mesure d’une telle menace pour la démocratie est une bonne nouvelle. D’autant que les atteintes s’accélèrent. Ainsi, la page Facebook de Cédric Herrou a été bloquée par le réseau social après que ce militant a critiqué un projet de renfort d’une patrouille de police dans la vallée de la Roya.

Bonne nouvelle malgré tout sur le front fiscal : on peut encore affirmer que le paiement des impôts relève de « l’intérêt général » et que l’évasion fiscale peut être considérée comme un délit, et non comme une stratégie intelligente « d’optimisation fiscale », selon le langage des intérêts privés. On comprend désormais pourquoi les tribunaux publics et les législations étatiques (ou internationales) sont devenus la cible des firmes transnationales qui entendent installer leurs normes en imposant des juridictions privées pour régler leurs différends.

C’est pourquoi il est urgent d’établir un instrument international juridiquement contraignant pour les sociétés transnationales et autres entreprises, afin de les obliger à respecter les droits humains fondamentaux. Les réticences de l’Union européenne pour obtenir un tel traité dans le cadre des Nations unies, après des avancées importantes en décembre dernier, constituent une manifestation supplémentaire de l’abandon de la démocratie et de la justice par des institutions politiques pourtant censées en être les garantes.

Geneviève Azam Membre du conseil scientifique d’Attac.

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