N’oublions pas le Ceta !

Il faut tout faire pour mettre ce projet en échec et exiger un référendum.

Jean Gadrey  • 25 avril 2018 abonné·es
N’oublions pas le Ceta !
© photo : Emmanuele Contini / NurPhoto

L****es mouvements sociaux en cours sont aussi nombreux que les contre-réformes néolibérales engagées en rafale par le Président. Pour cette raison, ou d’autres, les projecteurs médiatiques ont été peu braqués ces derniers temps sur un enjeu qui sera peut-être le plus important de l’année, car les dégâts potentiels concernent les principaux domaines de la vie en société : services publics, normes environnementales et sanitaires, climat, emploi, rôle des PME, finance, agriculture et, surtout, capacité des citoyens et de leurs représentants à exercer le pouvoir de décision – la démocratie réelle – en contrant si besoin le pouvoir des multinationales. Car ce sont ces dernières qui sont à la manœuvre, en coulisses, pour promouvoir les accords dits de libre-échange, laissant aux gouvernants néolibéraux le soin de les vendre à l’opinion via une propagande mensongère.

Cet enjeu, c’est le Ceta, accord négocié depuis plus de dix ans entre l’Union européenne et le Canada, que Justin Trudeau et Emmanuel Macron célèbrent comme un excellent accord sur tous les plans. Les multinationales états-uniennes y participeront pleinement via leurs filiales au Canada. Le Ceta a été voté par le Parlement européen en février 2017, mais, à l’époque, les eurodéputés français n’avaient été que 16 sur 74 à se prononcer pour. Il est entré en application provisoire en septembre dernier, en attendant sa ratification par chacun des parlements nationaux, qui conditionne son adoption définitive ou son rejet. En France, cela devrait se produire courant 2018.

Le cœur du Ceta, outre la libéralisation quasiment totale à terme du commerce, de l’investissement et des flux financiers transatlantiques, est la création d’institutions chargées de régler, en dehors de tout tribunal public national ou même européen, les différends entre les multinationales et les États, lorsque ces derniers voudront protéger la société, la santé ou l’environnement par des normes dont les premières jugeront qu’elles affectent gravement leurs profits. Dans ce projet, les deux institutions clés se nomment, d’une part, « Système de cour d’investissement » (ICS en anglais), une variante plus subtile des mécanismes d’arbitrage privés prévus dans des accords passés (qui avaient suscité des tollés et que la Cour de justice européenne vient de déclarer contraires au droit européen), et, d’autre part, « Forum de coopération réglementaire », lui aussi indépendant… de tout processus démocratique, entièrement nommé par la Commission européenne et le gouvernement canadien, qui sera de fait l’instance pilotant les évolutions des normes dans le sens souhaité par les milieux d’affaires (1).

Il faut tout faire pour mettre ce projet en échec, notamment en exigeant un référendum. D’autant que le Ceta doit inaugurer d’autres accords tout aussi dangereux et négociés dans l’opacité : avec le Mercosur, le Mexique, le Japon ; le TiSA pour libéraliser les services, etc., sans oublier le Global ICS, un monstrueux projet de traité plurilatéral qui étendrait le règlement des différends « investisseur contre État » type Ceta à tous les accords.

(1) Pour plus de précisions, voir le site des « collectifs Stop-Tafta » : collectifstoptafta.org

Jean Gadrey Professeur émérite à l’université Lille-I

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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