SNCF : quand le gouvernement outrepasse le Parlement

Une série d’amendements gouvernementaux, publiés discrètement durant le week-end, viennent mettre à mal le travail des députés.

Agathe Mercante  • 10 avril 2018 abonné·es
SNCF : quand le gouvernement outrepasse le Parlement
© Photo : Elisabeth Borne, ministre des transports (BERTRAND GUAY / AFP)

Pour les députés, les week-ends d’avril se suivent et finissent par se ressembler. Alors que la loi prévoyant la refonte du système ferroviaire français – « Projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » dans le texte – est examinée depuis lundi, le Gouvernement s’est à nouveau attiré les foudres des élus de la République. En l’espace de huit jours, l’exécutif a en effet amendé, à deux reprises, le texte contenant 8 articles.

« Au départ, nous étions censés voter une loi d’habilitation », rappelle Christophe Bouillon, député socialiste de Seine-Maritime. « Au lendemain du week-end de Pâques, sous couvert d’une ouverture à la négociation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement avait transformé la loi avant même qu’elle n’arrive en commission », explique-t-il. Et l’exécutif de renouveler l’expérience une deuxième fois, à 48 heures de l’examen du texte par l’Assemblée. « C’est un nouvel abaissement du Parlement, un énième exemple du mépris du Gouvernement », dénonce le député France Insoumise de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud.

Son exaspération est partagée par l’ensemble des groupes d’opposition à l’Assemblée nationale. « Quand on respecte le parlement, on lui laisse le temps », tance Christophe Bouillon. « On a auditionné les syndicats et les parties concernées sur des textes qui ont depuis été amendés », s’indigne-t-il. Marque, selon Loïc Prud’homme (FI), de « l’assurance et de l’arrogance du Gouvernement ».

Par ces vagues d’amendements successives, l’exécutif tente ainsi de couper court au débat qui s’annonce houleux. Dernières en date, vendredi 6 avril, deux annotations gouvernementales sont ainsi venues grossir l’épais dossier que constitue la loi.

Mais si le Gouvernement souhaite aller vite, il marque toutefois le pas quant aux ordonnances qu’il compte promulguer sur la question. De six mois, la durée d’habilitation de l’exécutif à promulguer le texte pourrait passer à 12. Le temps, peut-être, de laisser l’importante mobilisation sociale retomber.

Connu sous le numéro 273, un amendement qui figure en préambule du 1er article de la loi — adopté depuis — fait crisser les dents des députés. Il définit en effet, sans plus de procès, les statuts de la SNCF. Exit l’organisation en trois EPIC, place désormais à une société anonyme régie par le Code de commerce. « L’amendement en question pourrait à lui seul être une loi », tranche Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône. Son apparition a pris les élus de cours, manquant d’invalider la majorité des amendements déposés sur le texte.

« L’amendement 273 marque une rupture avec la Constitution », poursuit-il, rappelant qu’un texte de cette importance doit être soumis à une étude d’impact… refusée ce mardi par la majorité parlementaire.

Dans l’esprit des élus de gauche, l’idée de déposer un recours devant le Conseil Constitutionnel se fait plus nette à mesure que le débat s’enlise et que les groupes parlementaires multiplient les motions de rejet et les demandes de renvoi en commission. Mais dans l’hémisphère gauche de l’Hémicycle, les illusions se font rares. Alors que les groupes France Insoumise, Gauche démocrate et républicaine et Nouvelle Gauche totalise 61 élus, La République en Marche en compte 310.

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