Syrie : des objectifs surtout politiques

L’opération militaire sur la Syrie ressemble à une tentative désespérée de se réintroduire dans un conflit dont Washington, Paris et Londres ont été exclus.

Denis Sieffert  • 14 avril 2018
Partager :
Syrie : des objectifs surtout politiques
© Photo : Le général Joe Dunford (2e G), chef d'état-major interarmées américain (Thomas WATKINS / AFP)

Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont donc mené samedi des frappes ciblées contre la Syrie annoncées à grand renfort de communication depuis une semaine.

Officiellement, il s’agissait pour la coalition occidentale de punir le régime de Bachar Al-Assad accusé d’avoir mené des attaques chimiques le 7 avril sur la Ghouta orientale, zone reprise depuis aux rebelles. On peut toutefois s’interroger sur l’efficacité d’une telle opération, et sur ses buts véritables. Selon le général Joe Dunford, chef d’état-major américain, les forces occidentales ont visé trois cibles liées au programme d’armement chimique syrien, l’une près de Damas et les deux autres dans la région de Homs, dans le centre de la Syrie. L‘Observatoire syrien des droits de l’homme a, pour sa part, fait état de bombardements sur des bases militaires proches de Damas. Mais il est peu probable que la destruction de ces cibles ait le moindre effet dissuasif sur Bachar Al-Assad, sauf peut-être à très court terme.

On en conclut que cette offensive poursuivait surtout des objectifs politiques. Par rapport aux opinions occidentales, il fallait donner l’impression être cohérent avec le fameux discours sur la « ligne rouge » du recours aux armes chimiques. Un discours d’autant plus hypocrite que les centaines de milliers de victimes du régime ont été tuées ou blessées par des armes conventionnelles. 

On peut voir aussi dans l’opération de samedi une tentative désespérée de se réintroduire dans le conflit syrien dont les occidentaux ont été exclus en deux circonstances capitales : le retrait de Barack Obama en août 2013, et l’engagement total de l’armée russe sur Alep, en décembre 2015. Mais, là encore, on peut douter de la portée d’une opération qui n’affaiblira pas politiquement Bachar Al-Assad, alors que sa victoire est à peu près acquise. On peut craindre qu’elle n’empêche pas les poches rebelles d’Idlib, au nord-est du pays, et de Deraa, au sud, de subir le même sort que la Ghouta. Pour revenir dans ce conflit, les occidentaux doivent s’inscrire dans un projet de résolution politique qui tienne compte du rapport de force réel. Et il n’est pas sûr que l’opération de samedi soit la meilleure façon d’y parvenir.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, la communication en mode éléphant de Trump
Analyse 18 juin 2025 abonné·es

Aux États-Unis, la communication en mode éléphant de Trump

Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a imposé une stratégie offensive. Décrets à la chaîne, publications provocatrices, contournement des médias traditionnels : au cœur de cette logique, une volonté de contrôler le récit médiatique, quitte à piétiner l’indépendance de la presse.
Par Paul Hetté
Au Caire, l’accueil hostile réservé aux réfugiés gazaouis
Reportage 18 juin 2025 abonné·es

Au Caire, l’accueil hostile réservé aux réfugiés gazaouis

Depuis mars 2024, le point de passage de Rafah est fermé et les Gazaouis ne peuvent plus sortir de l’enclave, pourtant bombardée quotidiennement par l’armée israélienne. Avant cela, plus de 110 000 Palestiniens avaient réussi à franchir la frontière pour fuir la guerre. Ils doivent se réinventer une vie.
Par Édith Bouvier
En Iran, l’effroi de la population civile
Monde 17 juin 2025 abonné·es

En Iran, l’effroi de la population civile

« Rising Lion » – le soulèvement du lion –, c’est le nom de l’attaque massive lancée le 13 juin à l’aube par Israël contre l’Iran. Une nouvelle opération militaire qui a fait basculer les deux pays dans la guerre. La population iranienne, déjà opprimée par un régime totalitaire théocratique, craint le pire.
Par Céline Martelet
« Il revient aux Iraniens de changer leur régime, pas à Netanyahu »
La Midinale 17 juin 2025

« Il revient aux Iraniens de changer leur régime, pas à Netanyahu »

Azadeh Kian, professeure de sociologie, spécialiste de la société iranienne, est l’invitée de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien