Aides aux riches : « un pognon de dingue »

Entre fraude et niches, on parvient à environ 300 milliards d’euros d’aides aux plus riches.

Jean Gadrey  • 4 juillet 2018 abonné·es
Aides aux riches : « un pognon de dingue »
© photo : ROLAND MACRI / BELGA MAG / BELGA

L’ensemble des aides sociales se monte, selon Henri Sterdyniak, à 70 milliards d’euros par an, environ 3 % du PIB (L’Humanité, 11 juin). Qu’en est-il de « l’assistance aux riches » ? Voici les trois principaux postes.

Commençons par la fraude et l’évasion fiscales. Pour la seule évasion « à l’étranger », une estimation très prudente la situe entre 60 et 80 milliards par an. Mais pour l’ensemble (évasion + fraudes diverses), le spécialiste Gérard Gourguechon l’évalue à beaucoup plus, peut-être 200 milliards par an. Retenons un montant intermédiaire : 150 milliards d’euros.

Le deuxième poste d’assistance aux riches est constitué des niches fiscales et « sociales » (réductions ou exonérations de cotisations). Certaines répondent à des objectifs d’intérêt général, comme les réductions d’impôt pour les dons aux associations ou des travaux d’isolation. D’autres bénéficient avant tout aux personnes les plus riches et ne peuvent pas être considérées comme justes. D’autres encore vont aux entreprises, comme des crédits d’impôt ou des exonérations de cotisations sociales. A priori, ces dernières ne sont pas destinées « aux riches » : elles sont même le plus souvent défendues au nom de l’investissement et/ou de l’emploi, mais, quand il est clair qu’elles remplissent mal ou pas du tout ces missions, elles ne font que grossir les bénéfices non réinvestis et les dividendes.

Un rapport parlementaire de 2010 de Gilles Carrez estimait que les niches fiscales accordées depuis 2000 représentaient un total de 100 milliards d’euros à la fin de cette décennie. Si on y ajoute le très gros morceau ajouté en 2014, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte dit de responsabilité, on doit approcher les 150 milliards d’euros. Il faut y ajouter les niches sociales, estimées par Le Monde (19 septembre 2013) à 52 milliards de coût pour la Sécu. Estimons, en étant « gentils », que la moitié des quelque 200 milliards de niches fiscales et sociales relève de l’intérêt général, le reste étant du cadeau sans contrepartie.

Le troisième gros poste correspond à la forte baisse de la fiscalité des plus riches et des entreprises depuis une trentaine d’années. Sans entrer dans les détails (voir mon blog), on peut estimer à 50 milliards d’euros au moins le cadeau fiscal aux riches, par rapport aux taux, seuils et tranches qui existaient encore au milieu des années 1980 pour l’impôt sur le revenu et celui sur les sociétés.

On parvient donc à environ à 300 milliards d’euros comme « pognon de dingue » d’aides annuelles aux plus riches, sans comptabiliser la fraude aux cotisations sociales, qui serait de 20 à 30 milliards, selon la Cour des comptes… Emmanuel Macron prétend qu’il n’y a pas d’argent magique, mais c’est parce que ce président des riches vise avant tout à accentuer la « redistribution à l’envers » : ponctionner les 90 % les moins riches, les services publics et la protection sociale pour favoriser encore plus la toute petite minorité qui a ses faveurs et qui le lui rend bien.

Erratum : L’auteur de la chronique parue dans le n° 1509 est Jérôme Gleizes, et non Sabina Issehnane. Nous prions les auteurs concernés et nos lecteurs de nous excuser.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes