« Vaurien », de Mehdi Senoussi : Chômeur en colère

Dans Vaurien, Mehdi Senoussi met en scène une prise d’otages dans une agence de Pôle emploi.

Christophe Kantcheff  • 18 septembre 2018 abonné·es
« Vaurien », de Mehdi Senoussi : Chômeur en colère
© Photo : destiny film

Dans Un après-midi de chien (1976), huis clos tendu qui pourrait être la référence lointaine de Vaurien, des gangsters braquent une banque. Ici, le héros attaque une agence de Pôle emploi à Vénissieux, dans la banlieue de Lyon. Question d’époque. « M. Bensalah », comme le nomment les salariés de l’agence, qui voyaient en lui jusqu’ici un chômeur parmi tant d’autres, n’a vécu que rejet et humiliation. Pas de boulot, ou alors, malgré ses cinq années d’études universitaires, les postes lui sont systématiquement refusés ; et pour couronner le tout, il vient d’être radié. C’est la goutte qui a fait déborder son vase de Français « de type maghrébin », comme dit la police.

Donc, dans le local de l’agence, Redouane Bensalah a pris en otage les membres du personnel et les malheureux chômeurs présents au mauvais moment. Ils sont terrorisés car, face à eux, ils ont un homme armé, à bout et incontrôlable.

Mehdi Senoussi, qui a endossé le rôle de Redouane Bensalah, signe là son premier long métrage. Sur un canevas de film de genre, il mêle avec habileté différents fils narratifs. Il y a la tension du thriller ; les solidarités et les oppositions qui se nouent entre les différents otages (interprétés par Jean-Michel Fête, Carlo Brandt, Mathilde Lebrequier, Annie Mercier, Moussa Maaskri…), chacun ayant une existence propre ; et, progressive, la révélation de la domination sociale et de ses effets. Cette dimension-là est la raison d’être de Vaurien.

Ce film a la rage, comme son personnage principal, et l’on sent qu’il n’existe que grâce à la volonté farouche de son réalisateur. C’est pourquoi ses quelques aspects plus faibles n’entravent pas sa force de conviction – comme les discussions trop explicatives du preneur d’otages au téléphone avec une animatrice de radio locale (Romane Bohringer).

Tout en confrontant la violence que représente une prise d’otages au dérisoire de ce geste quand il est commis dans ce lieu par un homme désespéré, le cinéaste parvient à faire monter une émotion particulière. Celle du dénuement face à l’impuissance, de l’injustice face à une logique mortifère et du courage de la révolte.

Si Vaurien ne revêt pas totalement la forme d’un conte, Mehdi Senoussi s’est refusé à mener à son terme une vision nihiliste, même s’il l’envisage à l’écran, qui aurait transformé son film en banal exercice de style. Le cinéaste a préféré une issue où son héros retrouve sa dignité. Vaurien s’éloigne alors du constat et devient force de proposition.

Vaurien, Mehdi Senoussi, 1 h 30.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes