Une pétition pour fermer la centrale nucléaire du Bugey

Militants antinucléaire et citoyens réclament l’arrêt définitif des réacteurs de la centrale nucléaire du Bugey.

Vanina Delmas  • 6 décembre 2018
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Une pétition pour fermer la centrale nucléaire du Bugey
© photo : PHILIPPE DESMAZES / AFP

Le message de la banderole déployée devant le ministère de la Transition écologique et solidaire est sans équivoque : « Stop Bugey. Le nucléaire c’est fini. » Une délégation de militants antinucléaires de la coordination Stop Bugey a fait le déplacement jusqu’à Paris pour remettre leur lettre ouverte et une pétition demandant « la mise à l’arrêt définitif des réacteurs de la centrale nucléaire du Bugey avant leur quatrième visite décennale » prévue de 2020 à 2023.

« C’est la plus vieille centrale nucléaire en France après Fessenheim. Deux réacteurs ont fêté leurs 40 ans en 2018, et deux autres les atteindront l’année prochaine. Et EDF veut prolonger leur exploitation jusqu’à 50 ou 60 ans ! », s’indigne Joël Guerry, porte-parole de la coordination Stop Bugey.

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Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), annoncé par Emmanuel Macron le 27 novembre, a confirmé le report à 2035 de l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique. EDF devra fermer quatorze réacteurs d’ici 2035, en commençant par les deux de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) à « l’été 2020 ». Quels sont les douze autres ? Ces arrêts de réacteurs devraient être effectués sur les plus anciens sites en France : Tricastin (Drôme et Vaucluse), Gravelines (Nord), Dampierre (Loiret), Blayais (Gironde), Cruas (Ardèche), Chinon (Indre-et-Loire), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et Bugey (Ain). EDF devra établir la liste mais le président de la République a assuré qu’« aucune fermeture complète des sites » n’aura lieu.

La lettre ouverte a initialement été envoyée en janvier 2018 à Nicolas Hulot, alors ministre de l’Écologie, et au conseil d’administration d’EDF. Aucune réponse. Les militants antinucléaire espèrent désormais interpeller François de Rugy, notamment grâce à leur pétition signées par plus de 10 220 personnes dont 201 personnalités régionales : sénateurs, maires, médecins, professionnels du tourisme, enseignants, artistes, écrivains, associations…

Située à Saint-Vulbas (Ain), la centrale nucléaire du Bugey concentre une importante densité de population dans ses alentours. Lyon, Mâcon, Chambéry, Grenoble, Genève sont à moins de 80 kilomètres du site, soient 4,4 millions d’habitants. La prise de conscience d’un potentiel accident nucléaire dans la vallée du Rhône gagne progressivement les esprits, mêmes ceux d’apparence réticents.

« En Savoie, certains maires de tous bords politiques, qui ne sont pas dans les cercles écologistes, se sont réunis entre eux pour parler de leurs problèmes d’élus locaux, liés à la centrale nucléaire, comme la question des pastilles d’iode. Puis certains ont appelé le préfet pour avoir des réponses », raconte Francis Lelièvre, de l’association Arrêt du nucléaire Savoie.

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Les risques d’inondation de la vallée en cas d’effondrement du barrage de Vouglans (Jura) en amont du site, la proximité des pistes de l’aéroport international Lyon Saint-Exupéry, les pièces non conformes aux critères de sûreté nucléaire… L’énumération des dangers semble sans fin. « Nous avons étudié les documents de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Nous avons dénombré pas moins de 94 irrégularités sur le réacteur n° 3, et noté que la cuve des n° 2 et 4 est fragilisée… », souligne Joël Guerry, membre de l’association Sortir du nucléaire. Sans compter le volet santé environnementale qui interpelle de plus en plus les consciences. Les médecins, les instituteurs, les parents s’interrogent sur les rejets toxiques dans l’air et dans l’eau aux alentours du site.

Les antinucléaires de longue date trouvent de nouveaux relais citoyens pour continuer la lutte. « Les citoyens font remonter la problématique à leurs élus locaux notamment dans les conseils municipaux. Certains nous disent qu’ils ne sont pas antinucléaire mais qu’ils veulent faire fermer cette vieillerie ! », relate Francis Lelièvre. « Nous continuons donc notre travail de pédagogie avec la population en discutant sur les marchés par exemple. C’est primordial pour la prise de conscience et surtout pour faire de la contre-information face à EDF », ajoute Joël Guerry.

Le réseau Sortir du nucléaire (SDN) dénonce régulièrement le manque de transparence de l’électricien national, qui leur transmet à chaque fois des documents d’informations tellement occultés qu’ils deviennent inexploitables. SDN avait porté plainte contre EDF pour de « possibles négligences » concernant la réparation d’une fuite dans le circuit de refroidissement en 2013. Le 15 novembre dernier, la cour d’appel de Lyon a condamné EDF à 5 000 euros de dommages et intérêts.

Une nouvelle source d’inquiétude grandit chez les militants et les habitants : EDF, via la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) aurait prospecté plus de 330 hectares de terres agricoles collées à la centrale. Ils redoutent un projet d’extension du site dédié aux déchets nucléaires ou à la construction d’un EPR… Dans un article du journal suisse _Le Temps, EDF a répondu qu’« aucun projet précis n’est engagé à ce stade. La vocation de ces terrains sera définie le moment venu en concertation avec toutes les parties prenantes concernées. Il pourrait s’agir de développer de nouveaux moyens de production d’électricité décarbonée nucléaire ou renouvelable, il peut s’agir aussi de préparer les futurs démantèlements ». En toute transparence…

La pétition En finir avec les réacteur du Bugey peut encore être signée ici : https://www.cyberacteurs.org/cyberactions/enfiniraveclesreacteursnucleairesde-2054.html

Écologie
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