La gratuité, la petite bête qui monte, qui monte

Tribune. Le Forum national de la gratuité du samedi 5 janvier a été un grand succès politique et populaire. Paul Ariès revient sur cette initiative.

Paul Ariès  • 7 janvier 2019
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La gratuité, la petite bête qui monte, qui monte
© Photo : Danielle Simonnet / Twitter

Le samedi 5 janvier 2019 s’est tenu avec grand succès le Forum national de la gratuité co-organisé par l’Observatoire international de la gratuité en partenariat avec la mairie du Ier arrondissement de Lyon, avec le soutien du site Le Grand Soir, de l’ACU, de l’OMOS et la participation de toutes les sensibilités des gauches de gauche politiques, syndicales, mouvementistes.

Un peu plus de 450 personnes, le matin, principalement des militants venus de toute la France et même de Belgique et de Suisse, l’après-midi, un public plus jeune, plus lyonnais, parfois moins chevronné politiquement mais tout aussi passionné, tout aussi combattif avec au cœur un grand désir de vivre autrement.

À lire aussi >> Paul Ariès : « La gratuité, un nouvel élan pour la gauche »

Les très nombreux intervenants ont su tenir la promesse de presque tout dire en dix minutes sous le contrôle souriant de notre ami Erwan, journaliste de Politis chargé d’animer les débats. Le public a tenu à manifester son plaisir d’assister à des échanges constructifs et fraternels entre les différentes sensibilités de gauche, montrant qu’il est possible de faire de notre diversité une source de richesses.

Ceux qui avaient déjà participé au 1er Forum co-organisé, il y a dix ans, avec la Communauté les lacs de l’Essonne et Gabriel Amard en présence de Jean-Luc Mélenchon, ont témoigné combien le débat a grandi, comme en témoigne la disparition des fausses évidences du genre « rien n’est gratuit », comme si nous ne savions pas que la gratuité se construit notamment économiquement.

L’école publique est certes gratuite mais payée par nos impôts ce qui pose la vraie bonne question qui est celle de la nécessaire refonte de la fiscalité, pour une fiscalité socialement acceptable. Cette question a été notamment débattue en liaison avec le mouvement des gilets jaunes que de nombreux participants du matin ont rejoint dans l’après midi, y compris en repartant sur Paris dans l’urgence.

La parole a aussi circulé dans la salle puisque nous avions choisi de remplacer l’habituelle phase des questions/réponses entre la salle et la tribune par un micro ouvert… sans réponse des représentants des diverses sensibilités des gauches et de l’écologie réunies pour exposer leurs points de vue.

Réenchanter nos combats

Ce débat à l’intérieur même de la salle a permis d’enrichir le débat de réflexions, de témoignages. Des électeurs de droite, du centre et des non-votants ont pu dire aussi leur amour de la gratuité. Nous nous sommes quittés sur un engagement, celui de créer des états-généraux de la gratuité dans une majorité de régions, de départements, de villes, celui de créer des journées d’études thématiques sur la gratuité des transports en commun, de l’eau élémentaire, des services culturels et funéraires, du logement, etc.

Nous avons posé ensemble ce samedi 5 janvier les bases de ce grand projet révolutionnaire, dont chaque pas nous rapproche davantage de la conception de la vie-bonne qui est la nôtre, alors que, si souvent, dans le passé, nous avons sacrifié le présent au nom de lendemains qui devaient chanter. Nous devons inventer des formes inédites de faire de la politique pour permettre aux gens de participer, de s’impliquer, car l’égalité sociale, la justice écologique ne peuvent aller sans un surcroit de démocratie réelle, qu’on la nomme autogestionnaire, participative, d’implication citoyenne.

Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement de Lyon, candidate à la mairie centrale en 2020 dans le cadre d’une large alliance citoyenne a fait savoir sa volonté de mettre cette question de la gratuité au cœur de sa démarche pour bâtir Lyon en commun avec la participation active de toutes les femmes et les hommes de bonne volonté, comme en témoigne déjà l’engagement de la FI. Nous allons sur Lyon comme ailleurs déplacer des montagnes, redonner envie de faire de la politique, en écoutant ce grand désir de gratuité qui répond largement au mouvement populaire des Gilets jaunes.

La gratuité est une passion joyeuse, la gratuité est une façon de réenchanter nos combats. Nous l’avons entendu durant toute la journée durant les séances de travail mais aussi autour des stands. Les organisateurs de ce Forum national ont apporté leur pierre à la construction de ce premier pan de la maison commune, il appartient maintenant aux citoyens/citoyennes, à l’ensemble des acteurs de faire grandir ce mouvement dans la perspective de lui donner une traduction politique en 2020.

Changer de civilisation

Les territoires locaux sont le bon espace géopolitique pour donner du sang vif à ce beau projet émancipateur, car les citoyens/citoyennes se disent passionnément attaché.e.s à leurs services publics locaux, parce que la construction économique et culturelle de la gratuité du service public est la meilleure façon de renvoyer au passé ceux qui croient intelligents d’opposer un soi-disant ras le bol fiscal et une aspiration profonde et têtue des gens à défendre avec les services publics de proximité une conception de la société fondée sur la solidarité, sur la construction de communs.

Le manifeste « Gratuité vs capitalisme » a connu durant cette journée des records de diffusion car il donne du grain à moudre non seulement à la réflexion mais aussi à nos imaginations politiques en dressant l’état des lieux de toutes les formes de gratuité déjà existantes, en construction, et à venir. Continuez à diffuser ce livre-manifeste, et surtout, surtout, engagez-vous, rengagez vous, pour porter cette belle idée de gratuité au cœur des débats sur la construction nécessaire d’une nouvelle civilisation, pour en finir, demain, avec le capitalisme et son monde, pour redonner du sens et du corps à un projet d’émancipation capable de susciter le grand désir de changer de civilisation.

Bousculons les habitudes de pensée, bousculons les appareils pour que le débat sur la gratuité qui traverse, aujourd’hui, toutes les gauches partisanes, syndicales, mouvementistes, débouche sur des réponses majoritaires, sur des réponses abouties, à la hauteur de cette aspiration qui monte. Traduisons politiquement ce joli mot de gratuité qui se marie si bien avec ceux de liberté, d’égalité, de fraternité, de solidarité, pour en finir avec toutes les tentations d’extrême droite et nationalistes.

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Tribunes

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