L’exil de l’autre côté du lac
Fuyant l’est du Congo, miné depuis vingt ans par les violences, des réfugiés tentent de s’inventer une nouvelle vie en Ouganda.
dans l’hebdo N° 1537 Acheter ce numéro

© Maïa Courtois
Adeline époussette la terre à ses pieds, une gerbe de paille à la main, un long tissu beige noué autour de la taille. Elle se relève. « Les gens cherchent un endroit où il y a la paix. Là-bas, il y a beaucoup de souffrance. Là-bas, on tue même les innocents. » La jeune femme de 23 ans montre vaguement de la main la rive du lac : « Je suis arrivée ici il y a trois mois. En bateau, un peu plus loin sur la côte. »
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Elle est née de l’autre côté du lac Albert. Le bleu de l’eau devient plus sombre et plus effacé à mesure que le regard se porte vers la ligne d’horizon. Au loin, les montagnes de la République démocratique du Congo (RDC). Sebagoro, le village de pêcheurs où vit désormais Adeline, avec ses cahutes et ses minuscules poissons répandus sur le sol, fait face aux montagnes grises. Elles semblent irréelles. Le lac frontière, où commercent quotidiennement des pêcheurs des deux rives, sépare son pays en guerre de cet État en paix qu’est l’Ouganda.
Ils sont entre dix et vingt exilés par jour à arriver de RDC à Sebagoro. Lors du dernier pic, début 2018, ils pouvaient être « 300 ou 500 », se souviennent les volontaires du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) installés sur le parvis du centre de réception. Les barques viennent accoster là, sur le banc de sable, au bout de trois, quatre heures ou plus de traversée – « ça dépend du moteur ». L’armée ougandaise repère les pirogues depuis son poste sur la rive et alerte le HCR pour assurer les procédures de débarquement : vérifications de sécurité, examen sanitaire centré sur Ebola, dont l’épidémie s’étend en RDC. « Certains ont aussi la malaria ou d’autres maladies dues aux forêts du Congo », explique