« The Hate U Give » : Donner de la voix

Dans The Hate U GiveLa haine qu’on donne, George Tillman Jr montre la politisation d’une jeune fille noire face au racisme.

Christophe Kantcheff  • 22 janvier 2019 abonné·es
« The Hate U Give » : Donner de la voix
© Photo : ERIKA DOSS/Foxpresse

Le bonheur règne dans la famille Carter : les parents, Lisa (Regina Hall) et Maverick (Russell Hornsby), s’aiment et entourent de tendresse leurs enfants, dont l’aînée s’appelle Starr (Amandla Stenberg). Ils vivent dans un quartier relégué et violent, Garden Heights, à majorité noire. Pour les épargner et pour qu’ils s’en sortent, les Carter ont mis leurs enfants dans un lycée lointain et privé, fréquenté par les Blancs. Comme Janus, Starr a deux visages : réservée et habillée strict au lycée, sans apprêt et parlant familièrement chez elle.

The Hate U Give – La haine qu’on donne, sixième long métrage de George Tillman Jr, débute comme un teen movie inoffensif, qui, par le biais de Starr, infiniment plus à l’aise dans son milieu mais dont le petit copain est blanc, met en regard deux mondes qui s’ignorent. Puis intervient l’événement tragique – l’ami d’enfance de Starr, Khalil (Algee Smith), est tué sous ses yeux par un policier à l’occasion d’un contrôle – qui fait basculer le film. Mais la focale reste sur Starr – et c’est là son intérêt –, d’abord totalement démunie.

La jeune fille, submergée par le chagrin, est empêchée de témoigner pour diverses raisons, en particulier par le chef du gang du quartier, qui craint pour la ­quiétude de son business. Pourtant, soutenue par son père, sorti de ses années de délinquance avec en tête les principes des droits civiques, Starr, peu à peu, ne va plus supporter de rester muette. Plus encore, confrontée au système judiciaire qui défavorise les Noirs, elle ressent la nécessité d’aller plus loin. Certains diront qu’elle se « radicalise », quand elle répond à une exigence éthique.

C’est un processus d’acculturation politique que filme le cinéaste, avec sans aucun doute un rien de didactisme. Mais, intégré dans un récit conservant les codes hollywoodiens, celui-ci fait bon ménage avec l’énergie et la dignité qui caractérisent les personnages.

The Hate U Give – La haine qu’on donne n’a pas l’alacrité ni l’humour provocateur dont témoigne l’œuvre d’un Spike Lee, mais il en a l’esprit combatif. L’affiche de Do The Right Thing apparaît d’ailleurs sur les murs de la chambre du défunt Khalil, de même que le portrait de Tupac, célèbre rappeur, tué à 25 ans en 1996, alors qu’il s’apprêtait à créer un mouvement dans la lignée des Black Panthers. Ainsi, portant la mémoire d’hier et l’urgence d’aujourd’hui, à l’image du rap qui résonne dans la BO, de Tupac à Kendrick Lamar, The Hate U Give – La haine qu’on donne, en dépit de quelques faiblesses, s’avère d’une heureuse incandescence.

The Hate U Give, sortie le 23 janvier.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes