Faucillon, Autain : La paire qui houspille

Élues sous des bannières différentes à l’Assemblée nationale, Elsa Faucillon et Clémentine Autain œuvrent côte à côte à bousculer leur camp et tisser des liens.

Agathe Mercante  • 26 juin 2019 abonné·es
Faucillon, Autain : La paire qui houspille
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O n devrait vraiment se synchroniser pour raconter la même histoire », sourit Clémentine Autain. « Nous nous sommes croisées en 2010, pendant la campagne pour les élections régionales », se souvient Elsa Faucillon, sans donner plus de détails. Difficile, pour les deux femmes, de dater avec précision leur rencontre. Mais elle leur a permis, quelques années plus tard, de jouer le rôle d’un détonateur à gauche. Elsa Faucillon, députée communiste de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), et Clémentine Autain, députée de La France insoumise de Sevran (Seine-Saint-Denis), tentent, depuis le 5 juin et leur appel à un « big bang », d’administrer un traitement de choc à gauche, dont les partis ont été durement défaits aux européennes du 26 mai. Les deux élues, qui appellent à « réinventer nos modèles et nos imaginaires », n’en sont pas à leur première tentative pour éveiller les consciences. Simples connaissances politiques à l’époque du Front de gauche, elles se rapprochent quand l’historien Roger Martelli et la journaliste Catherine Tricot, codirecteurs à l’époque de la revue Regards, proposent à Elsa Faucillon de rejoindre le comité de rédaction du trimestriel, dont Clémentine Autain est la directrice de rédaction.

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Elles en assurent aujourd’hui la coprésidence et ont lancé, au mois de janvier, « le Fil des communs ». Un groupe de réflexion transpartisan, « une passerelle » pour « influer [sur], pas éclater » les partis de gauche, à une époque où ils se recroquevillent sur eux-mêmes. « C’est un espace qui nous a permis de nous confronter, de mener des expérimentations », résume Elsa Faucillon. « C’est la génèse du big bang », poursuit-elle. Du haut de cet « espace », qui fait aussi figure d’observatoire de la vie politique, les deux élues ont vu arriver la catastrophe des élections européennes. « Elles ont vu que les partis – EELV, Génération·s, le PCF et le PS-PP – ne parviendraient pas à trouver d’accord pour une liste commune », explique-t-on au sein de Regards. « On savait que les résultats ne seraient pas au rendez-vous, mais pas à ce point-là », dit Elsa Faucillon.

Pour les deux femmes politiques, le Fil des communs est aussi une bulle neutre, loin des affres de leurs mouvements respectifs. Elles ne cachent d’ailleurs pas leurs désaccords avec les lignes tracées par LFI ou le PCF. Là où l’une est régulièrement attaquée par Jean-Luc Mélenchon et dénonce sans ambages l’absence de démocratie interne à LFI, l’autre a été mise en minorité par son parti quand, au dernier congrès du PCF, les militants lui ont préféré Fabien Roussel, sur une ligne autonomiste dont on voit aujourd’hui les effets. « Elles sont toutes les deux en minorité dans leur groupe respectif et assez mal traitées », indique-t-on chez Regards.

Qu’à cela ne tienne, il reste la revue, d’où elles scrutent les partis et partagent les idées qui feront, qui sait, la gauche anticapitaliste de demain. Mais pas que. « Nous faisons partie des femmes qui pensent que les questions stratégiques ont trop longtemps été laissées aux hommes politiques. » Des horizons similaires pour des histoires et des parcours qui diffèrent. La députée de Seine-Saint-Denis a commencé à la Fondation Copernic, cheminé avec des communistes mais a toujours appartenu à des collectifs « rouge et vert », insiste-t-elle. L’élue des Hauts-de-Seine, elle, provient de la gauche libertaire et a occupé plusieurs fonctions au PCF. Issues toutes les deux des rangs des « collectifs anti-libéraux de 2005 » – des mots de Clémentine Autain –, les deux femmes politiques ont activement milité pour l’adhésion individuelle au Front de gauche, à l’époque où PG et le PCF faisaient front commun. Séparées en campagne et à l’Assemblée nationale, elles œuvrent à leur manière à dessiner de nouvelles alliances et de nouvelles pratiques. Toutes deux se réclamant du féminisme, elles plaident pour la sororité et rejettent tout essentialisme. « Il faut lutter contre le virilisme en politique. Nous avons une proximité dans notre manière d’aborder la politique, toujours sous l’angle social et culturel. Nous aimons les belles choses, bien dites et bien construites », résume Elsa Faucillon. « On échange tout le temps sur un film, une expo, un livre… », détaille Clémentine Autain. Le dernier dont elles ont parlé ? « Celui de Corinne Morel Darleux » (1). Une autre élue de gauche, à rebours des structures partisanes – qui a pris ses distances avec LFI et le PG. Pour les rejoindre ?


(1) Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, paru le 6 juin, aux éditions Libertalia.

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