Avignon off : Courbet côté jardin

Dans L’Origine du monde (46 × 55), Nicolas Heredia se livre à une vraie-fausse conférence sur la valeur de l’art et de la vie.

Anaïs Heluin  • 16 juillet 2019 abonné·es
Avignon off : Courbet côté jardin
© crédit photo : LaVasteEntreprise

Dans le off du Festival d’Avignon, le bruit court que Nicolas Heredia a trouvé une astuce pour éviter de ruiner en location de salle sa compagnie La Vaste Entreprise, installée à Montpellier, avec laquelle il développe depuis 2007 des spectacles hors des formats connus. Bien que programmé par La Manufacture, l’artiste aurait réduit considérablement le coût de sa venue avec L’Origine du monde (46×55). Information véridique ou délire de festivaliers frappés par la chaleur ? D’emblée, l’« aventure potentielle », sous-titre de la pièce, est placée sous le signe de la curiosité. De l’atypique.

La rumeur était fondée. C’est dans un lieu inhabituel que nous reçoit l’auteur : dans le jardin du musée Angladon, où il a installé une estrade ainsi qu’un tableau avec écran encastré. Une panoplie de conférencier nomade, se dit-on en s’installant sous les brumisateurs qui rafraîchissent les gradins en bois installés pour l’occasion. Mais voilà que Nicolas Heredia se lance dans le récit d’un jour de brocante. Un jour de chance, où en plus de cadrans d’horloge et d’une coque de téléphone, le chineur un brin compulsif dégote l’objet central de la pièce : une reproduction de la célèbre toile de Gustave Courbet.

La copie est d’assez mauvaise facture. Elle est pleine d’éraflures, et on la lui propose pour 200 euros. Mais Nicolas Heredia se laisse séduire. Il y voit, raconte-t-il, une « aventure potentielle » qui mérite d’être tentée. Fiction, réalité ? L’entrée sur scène du fameux pubis ne permet pas de trancher. Et là encore, c’est heureux. Sur cette base incertaine, Heredia entame une expérience spéculative dont le spectateur est le héros immobile et muet. Aurions-nous, nous aussi, cédé à l’appel du triangle de Courbet ? Pour combien et dans quelle intention ? Sans attendre de réponse, il interroge le public en poursuivant son récit tout en anecdotes fort sérieuses et en explications délirantes sur le marché de l’art, plastique ou théâtral.

À partir d’un fait minuscule, quotidien, c’est toute une aventure intellectuelle que propose Nicolas Heredia. Sans pour autant tomber dans le concept, car ce qui prime dans L’Origine du monde (46 × 55) comme dans toutes les créations de La Vaste Entreprise, c’est le récit. C’est lui qui relie les êtres autant que les pensées les plus variées. S’il fraie subtilement avec de nombreuses disciplines, c’est de loin du côté du conte que Nicolas Heredia a le plus d’attaches. Un conte d’aujourd’hui, vivant et cérébral, sur la valeur des choses et de la vie.

L’Origine du monde (46 × 55), La Manufacture, au musée Angladon, à 18 h 45, du 5 au 25 juillet (relâche 12 et 18), 06 83 90 53 74, www.lamanufacture.org

Théâtre
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