La face sombre de Justin Trudeau

Alors que les Canadiens votent le 21 octobre, le Premier ministre candidat à sa réélection fait face à la polémique.

Patrick Piro  • 25 septembre 2019
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La face sombre de Justin Trudeau
© crédit photo : Creative Touch Imaging Ltd / NurPhoto / AFP

Ce sont deux photos tout sourire surgissant de 2001, où l’on voit le futur Premier ministre canadien visage et mains noircies pour parfaire son déguisement d’Aladdin, lors d’une soirée costumée dans une école privée de Vancouver où il enseignait. Leur publication dans Time magazine, mi-septembre, a explosé à la figure de Justin Trudeau. En Amérique du Nord, cette facétie, le « blackface », est clairement étiquetée raciste en raison de son origine historique – des Blancs qui se peinturluraient pour jouer aux Noirs, alors encore esclaves. On ne doute pas du but de cette fuite médiatique : les Canadiens votent le 21 octobre, et Trudeau fait campagne pour sa réélection.

L’affaire a agité le pays pendant plusieurs jours. En communicant chevronné, Trudeau a tout de suite « regretté profondément », reconnaissant « une erreur ». Mais avec une formule tordue qui en dit long sur son niveau de conscience : « J’aurais dû savoir que je n’aurais pas dû le faire. » Âgé de 29 ans, fils d’un ancien Premier ministre, il vivait pourtant dans une sphère pavée de préventions envers les faux pas.

Mais s’il a reçu son lot de critiques, au Canada, il s’est également vu passer l’éponge, et notamment par des représentants de communautés noires : « Trudeau n’est pas raciste », « il a beaucoup fait pour nous », etc. Et, de fait, les sondages signalent peu de déplacement d’intentions de vote après cet épisode.

C’est à l’international, moins concerné par les nuances du bilan de Trudeau, que cette blackface fait le plus grand bruit. Brillamment élu en 2015, il promettait : jeune (43 ans), décontracté, pétri d’idées libérales pour la société. Il allait faire contrepoids à Trump, prendre la tête de la diplomatie climatique (du Macron avant l’heure, quoi). Il s’attaquait à l’homophobie, défendait les Premières Nations, brandissait son féminisme et sa probité. Quatre ans plus tard, ce Trudeau sur papier glacé s’est évanoui de la scène internationale. Il est accusé d’avoir fait pression sur sa ministre de la Justice dans une affaire de corruption. Sans succès. Elle a été rétrogradée aux « Anciens Combattants ». Fâcheux : c’est une femme, de plus membre d’une Première Nation. Aussi ses photos en blackface, bien plus qu’une chausse-trappe de campagne, posent-elles une vraie et lourde question : au fond, quel est le vrai Trudeau ?

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Parti pris

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