Cherche chômeur sous pression pour job de merde

Une lectrice de Politis en a pêché un beau spécimen de petite annonce sur le site de Pôle emploi, qui recrute un poste de facteur… de plus de 57 ans.

Erwan Manac'h  • 19 février 2020
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Cherche chômeur sous pression pour job de merde
© Fred TANNEAU / AFP

Pour parler de la forte baisse du chômage annoncée le 13 février par l’Insee, rien de tel qu’une annonce d’emploi. Une lectrice de Politis en a pêché un beau spécimen sur le site de Pôle emploi, le 5 février. La Poste de Saint-Antonin-Noble-Val, dans le Tarn-et-Garonne, recherche une factrice ou un facteur, répondant aux qualités d’usage du métier : la « rigueur », « le sens du contact » et de la géographie, mais aussi – il faut vous y faire ! – de belles « dispositions à la vente ».

L’annonce se transforme ensuite en avertissement, comme pour refroidir les profils les moins téméraires. « L’attention des candidats est attirée particulièrement sur les conditions de travail sur ce poste. » Et d’égrener les mauvaises surprises que trouvera sur son chemin la recrue bercée par l’imaginaire d’un facteur ou d’une factrice jovial·e, qui sillonne les routes de notre roman national à bicyclette : les cadences infernales calculées par ordinateur, les horaires matinaux, 6 jours sur 7, « par tous les temps », la course folle à devoir « entrer-sortir du véhicule en permanence » et porter des colis toute la journée. Ultime détail : pour postuler, avoir plus de 57 ans et être inscrit·e au chômage depuis trois mois au moins, afin d’être éligible au « CDD senior » d’une durée de 12 mois.

Tout y est. Un employeur, conscient des mauvaises conditions de travail qu’il propose, compte sur le désespoir d’une poignée de chômeurs et de chômeuses que le sort matraque. Les largesses du code du travail lui permettent d’embaucher en CDD sur des postes pourtant pérennes, afin de recruter d’autres « seniors » une fois qu’il aura essoré les premiers. L’employeur s’affale dans sa toute-puissance, que les lois n’ont fait que renforcer ces dernières années, en sanctionnant les sans-emploi, en réduisant leurs allocations et en affaiblissant les contre-pouvoirs des juges prud’homaux et des syndicalistes.

Voilà résumée la politique d’Emmanuel Macron en matière d’emploi. Le chômage, certes, rejoint le niveau d’avant la crise de 2008, à 8,1 %, mais l’alternance et l’apprentissage n’y sont pas pour rien, et la précarité ne recule pas. On compte également 1,7 million de personnes dans le « halo », euphémisme désignant celles et ceux qui ont perdu le courage de chercher un travail, soit 150 000 personnes de plus en neuf mois. Un record.

Ces « excellents résultats » sont également à relativiser au regard de la faible progression de la population active, propice à une baisse, et de la conjoncture elle aussi favorable. La courbe du chômage suit strictement la même pente que la moyenne européenne, avec un léger retard, à la baisse comme à la hausse, due à l’effet amortisseur du modèle social français. Ou ce qu’il en reste.

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