Free impose des heures supplémentaires à ses salariés

Une heure de travail supplémentaire par jour sera imposée aux équipes des centres d’appels de Free, sur la base de l’ordonnance adoptée mercredi en Conseil des ministres. Le télétravail est également de rigueur, même pour les opérateurs qui ont des enfants.

Erwan Manac'h  • 26 mars 2020
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Free impose des heures supplémentaires à ses salariés
© Photo : Xavier Niel, patron de Free, à la Halle Freyssinet en octobre 2014 (IAN LANGSDON / POOL / AFP).

L’encre de l’ordonnance d’urgence sur le temps de travail n’était pas encore sèche, que Free annonçait mercredi à ses salariés qu’une partie d’entre eux devrait travailler une heure de plus par jour à partir du vendredi 27 mars et jusqu’à nouvel ordre.

Cela concerne les conseillers techniques, chargés de dépanner à distance les clients qui sont nombreux, en période de confinement, à solliciter la hotline de Free. Cette mesure unilatérale s’accompagne d’une revalorisation des primes habituelles, qui constituent dans les centres d’appels jusqu’à un tiers de la rémunération.

Pour les opérateurs que Politis a contactés ce jeudi par téléphone, ces heures de travail imposées ne tiennent pas compte des conditions dans lesquelles les opérateurs qui ont des enfants sont obligés de travailler.

Pire, l’entreprise refuse désormais les arrêts de travail délivrés par l’Assurance maladie pour les parents d’enfants de moins de 16 ans, mesure pourtant déployée depuis la fermeture des établissements scolaires et des crèches dans de nombreuses entreprises où le télétravail n’est pas possible. _« La direction considère que nous pouvons faire du télétravail tout en gardant nos enfants, ce qui est impossible avec les cadences de travail que nous devons suivre », s’indigne un opérateur.

À domicile comme sur les plateaux des centres d’appels, les appels s’enchaînent durant huit heures – désormais neuf – au rythme imposé par un logiciel, avec uniquement 5 minutes de pause par heure et un objectif de 90 % d’appels acceptés. Dans certains centres, des opérateurs n’ont pas de pause déjeuner durant leur service.

« J’ai trois enfants en bas âge dans un appartement de 80m2, je ne peux pas les confiner dans une pièce pendant neuf heures en leur demandant de ne pas faire de bruit. Et je ne veux pas me rendre au centre, car je sais qu’il y a des cas de contamination parmi mes collègues. J’ai peur de contaminer mon mari qui est diabétique », souffle une salariée d’un centre d’Île-de-France.

Ironie qui n’amuse pas les téléopérateurs, Angélique Gérard, directrice des relations abonnés, a lancé un « challenge » interne récompensant la « photo en télétravail la plus décalée ». Elle a donné du sien, sur son compte Twitter personnel, en se mettant en scène avec ses enfants bâillonnés.

© Politis

Free répond à Politis :

Dans un mail adressé à Politis le 30 mars, la direction de la communication du groupe Iliad répond que l’augmentation du temps de travail « est conforme à ce que préconise le Gouvernement pour pouvoir garantir la continuité d’activité dans les secteurs stratégiques, dont les Télécoms font partie ». « Conscients de la difficulté qu’il y a à conjuguer télétravail et garde d’enfants, nous avons proposé à chaque parent concerné, dès l’annonce de la mise en place du télétravail, de nous communiquer un choix d’horaires de travail adapté à ses contraintes », ajoute l’entreprise.

Elle précise que les heures supplémentaires imposées concernent un groupe de salariés qui constitue une minorité et relèvent d’une pratique habituelle qui s’inscrit dans le cadre de l’annualisation du temps de travail, objet d’un accord d’entreprise. Elle précise également que la journée de 9 h est réservée au lundi et que les pauses représentent 5 minutes par heure. Elle ajoute que les activités de « rétention en appels sortants », pour les abonnés qui souhaitent résilier, sont suspendues.

Iliad estime enfin, comme indiqué dans l’article, que le télétravail est possible pour ses téléconseillers. L’entreprise considère qu’une déclaration sur l’honneur du collaborateur, comme l’indique la procédure auprès de la Sécu pour bénéficier d’un arrêt de travail, (et a fortiori sa reconnaissance par l’employeur) constituerait à ses yeux une fraude.

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