« Mille euros de prime, est-ce le prix de ma santé ? »

Aujourd’hui dans #lesdéconfinés, Simon*, 33 ans, employé libre-service dans la grande distribution de centre-ville, confronté à l’obligation de tenir la cadence.

Politis.fr  • 1 avril 2020
Partager :
« Mille euros de prime, est-ce le prix de ma santé ? »
© Photo : Politis

Je travaille dans la grande distribution et on m’a toujours fait sentir que je ne valais pas grand-chose, que si j’étais à mon poste d’employé libre-service de 6h30 à 12h30 six jours sur sept, c’était parce que j’étais un ignare, qui avait soi-disant râté ses études. À chaque fois que je voulais exprimer des avis sur la gestion du magasin, on méprisait mon point de vue, m’estimant incapable de réflexion. Ma paye, de 50 euros de plus que le SMIC, montre bien l’étendue de la considération qu’on a à mon égard. Et voilà tout à coup que je serais indispensable à la survie de mes concitoyens. Même mes employeurs ont changé de ton ; auraient-ils peur que tous leurs employés se mettent en arrêt ou fassent valoir un droit de retrait ? Pour autant, la paye ne change pas. Enfin, il paraît qu’on aura une prime ! De maximum mille euros. Est-ce le prix de ma santé ?

#Lesdéconfiné·es, une série de témoignages sur le travail et les nouvelles solidarités pendant le confinement. Nous cherchons des témoignages de personnes qui ne vivent pas leur confinement comme tout le monde. Si vous êtes obligés de sortir pour travailler ou si vous devez sortir pour créer de nouvelles solidarités (association, voisinage), racontez-nous votre expérience et envoyez-nous un mail.
En parlant de santé, on a mis du temps avant d’être protégés. Les masques, les gants et les gels hydroalcooliques ont tardé à arriver, et encore ils sont en nombre insuffisants. Mon directeur a été clair : pour tenir la cadence, on ne peut pas utiliser plus d’un masque par jour, alors qu’il faudrait en théorie les changer toutes les trois à quatre heures. Quant aux clients, ils ont mis du temps à comprendre qu’il fallait respecter une distance d’un mètre. On se faisait limite insulter quand on leur rappelait de la respecter. Certains nous postillonnaient au visage ou nous éternuaient dessus.

Alors qu’il y avait une rumeur de confinement total qui commençait à circuler, les gens se sont précipités dans notre magasin pour le dévaliser, et on voit aujourd’hui que cette panique n’avait vraiment aucun sens. Je n’avais même pas le temps de vider mes palettes dans les rayons que celles-ci étaient déjà vides, les clients les vidant avant que j’aie le temps d’y toucher. C’était ahurissant. Le rythme s’est cependant calmé, entre le confinement et le fait que les gens ont tellement stocké chez eux qu’ils n’ont plus vraiment besoin de faire des courses.

On continue néanmoins de côtoyer les clients. La direction de la chaîne pour laquelle je travaille voulait nous faire travailler plus tôt pour les côtoyer moins, mais cela s’est heurté à la réalité du terrain : ouvrir davantage le magasin avec un nombre de cadres très réduits était inenvisageable. Leur amplitude horaire aurait été trop énorme, alors qu’on dit pourtant que du fait du coronavirus, il faut se ménager.

* Le prénom a été changé.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don