« Green Boys », d’Ariane Doublet : Adolescences en partage

Dans Green Boys, Ariane Doublet filme l’amitié entre un jeune Normand et un mineur isolé venant de Guinée.

Christophe Kantcheff  • 13 mai 2020 abonné·es
« Green Boys », d’Ariane Doublet : Adolescences en partage
© Photo : Meteore

Ariane Doublet revient régulièrement tourner entre Fécamp et Le Havre, dans le rude et superbe pays de Caux, que borde la Côte d’Albâtre. Dans cette campagne, la mondialisation et les chaos du monde se font aussi sentir. La cinéaste en a filmé des échos. En 2003, elle a réalisé Les Sucriers de Colleville, qui se déroulait dans une sucrerie sur le point d’être fermée pour cause de délocalisation ; en 2011, c’était La Pluie et le beau temps, entre producteurs de lin normands et acheteurs chinois ; en 2017, elle suivait l’accueil réservé à une famille syrienne dans le village de Saint-Jouin-Bruneval (1).

Green Boys se situe dans la même veine. Alhassane, 17 ans, et Louka, 13 ans, deviennent très amis le temps d’un été. Peut-être, si le monde était serein, ne se seraient-ils jamais rencontrés. En tout cas pas de cette façon : Alhassane est arrivé en France au terme d’un périple à partir de son pays, la Guinée, où il a frôlé la mort sur la Méditerranée, où il a connu la détention en Libye.

Ariane Doublet montre l’amitié et l’altérité. L’amitié a toujours une part de mystère. Pour quelles raisons se tisse un tel lien entre Louka et Alhassane, on ne le sait exactement. Ce qui est visible, ce sont les marques d’empathie, les attentions, le plaisir d’être ensemble des deux garçons. Quand ils jouent au ballon ou se perchent dans un chêne, joyeusement complices, on ne jurerait pas de leurs itinéraires si dissemblables. Même si, çà et là, des mots manquent à Alhassane, ou quelques références, évidentes pour un petit Européen.

Et puis l’altérité apparaît davantage. Louka et Alhassane mènent à bien le projet de construire une cabane : celle-ci est agencée à la manière d’une case guinéenne. Un morceau d’Afrique s’imbrique soudain dans la campagne cauchoise. Quelques voisins passent, la discussion roule sur l’exil. Ensuite, quand Louka propose à Alhassane d’y passer la nuit, celui-ci lui répond qu’il n’en fera rien : il a peur du diable, dont Louka réfute l’existence…

Amitié et altérité se nouent dans la douceur et la découverte de l’autre. Il y a pourtant de la violence dans Green Boys. Elle est contenue dans le récit, en voix off, qu’Alhassane fait de son parcours. Ariane Doublet a choisi de le livrer par étapes, rythmant ainsi souterrainement son film. On mesure l’effroi du voyage. Mais aussi la rudesse du premier contact avec la France : celui de l’administration et de la loi, qui ont vite fait de transformer le réfugié en indésirable. C’est tout le contraire que produit ce film, humble et précieux comme l’est l’humaine hospitalité.

(1) Les Réfugiés de Saint-Jouin (2017), actuellement visible sur le site d’Arte.

Green Boys, Ariane Doublet, 1 h 11. Directement disponible en VOD.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes