Publier, résister, construire

Si la santé d’une démocratie se mesure à la diversité de sa presse, la pathologie en cours requiert une intervention en urgence.

Gilles Wullus  • 20 mai 2020
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Publier, résister, construire
© Photo : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Pas de retour à l’anormal », réclament les personnels hospitaliers, et ils ne sont pas les seuls, tant l’inquiétude grandit que rien ne change, voire que tout s’aggrave. Pour notre métier de journaliste aussi, il est des motifs de redouter un retour au galop du naturel, tant le choc du confinement a bouleversé les façons de travailler, à commencer par la difficulté à vérifier les informations déversées par le pouvoir, qui est le référent spontané en cas de crise et d’urgence. Sans la presse, sans une certaine presse scrupuleuse et opiniâtre, dont nous sommes, peut-être penserait-on encore que ce pays n’a jamais constitué de stocks de masques, ou que ces mêmes masques ne servent à rien.

La crise économique massive qui s’annonce va faire souffrir la presse, déjà en mauvaise forme. Des titres n’y survivront pas, espérons que de nouveaux émergent. Le séisme frappe déjà la diffusion des journaux, puisque Presstalis, la messagerie qui en distribue la majorité, échappe de peu à la noyade mais sera réduite à peau de chagrin, avec des centaines de salarié·es sur le carreau. Même si depuis l’automne Politis est distribué par l’autre messagerie française, les MLP, tout le secteur va être impacté, car les hommes et les femmes qui bossent pour Presstalis depuis des années, tout comme nombre d’éditeurs indépendants, acceptent mal – à raison – de payer les pots cassés d’anciennes directions erratiques et d’un abandon de l’État. Si la santé d’une démocratie se mesure à la diversité de sa presse, la pathologie en cours requiert une intervention en urgence.

Depuis l’instauration du confinement, Politis a fait le choix temporaire de ne plus être vendu chez les marchands de journaux, en cohérence avec notre conviction qu’il fallait limiter au strict minimum les contacts physiques. Nous sommes persuadé·es que la presse est un bien essentiel, mais moins tout de même que la santé, d’autant qu’il restait possible de nous lire sur notre site, que nous avons abondamment nourri depuis mars. Nous mettons tout en œuvre pour retrouver le chemin des marchands de journaux dès le prochain numéro. Même si notre pagination risque de rester légèrement réduite, il nous semble important d’être à nouveau disponible pour les non-abonné·es qui apprécient de nous lire de temps à autre et soutiennent leur marchand de journaux. Nous avons des choses à dire qu’on n’entend pas sur les chaînes de télévision ou dans la plupart des journaux. Par nos informations et nos analyses, nous voulons participer à la construction du « monde d’après ». Il ne sera différent de celui « d’avant » qu’à la condition que chacun·e sache décrypter les enjeux et les pièges. Nous sommes là pour y aider. Lisez-nous, achetez-nous, parlez de nous.

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