Le New Deal hospitalier absent de la « relance » !

La carte hospitalière a été redessinée en application de la logique de métropolisation.

Liêm Hoang-Ngoc  • 28 octobre 2020
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Le New Deal hospitalier absent de la « relance » !
© Créédit : Frédéric Scheiber / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le système de santé est au bord de l’implosion. Le bilan de la politique menée depuis vingt ans doit être dressé. Au cours de cette période, les dépenses des administrations publiques de santé ont progressé en moyenne de 2,04 % par an, à un rythme supérieur au PIB (1,65 % par an). Cela est dû au coût de techniques médicales et au vieillissement de la population, induisant un nombre croissant de patients touchés par des maladies chroniques et polypathologiques. Pour « maîtriser » ces dépenses, la politique publique définit annuellement un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

La carte hospitalière a été redessinée en application de la logique de métropolisation. Les pouvoirs publics entendent réorganiser le système autour d’un seul centre hospitalier par département, entouré d’« hôpitaux de proximité » dépourvus de blocs chirurgicaux, de services de réanimation et de maternités. Ces établissements sont, de fait, réduits à un rôle de dispensaires chargés de la gériatrie, de la médecine polyvalente et des soins de réadaptation. L’apparition de déserts médicaux, d’un côté, et l’afflux de patients vers les centres hospitaliers départementaux, de l’autre, en sont la conséquence. Cela a placé le personnel des centres sous tension, d’autant plus que la maîtrise des dépenses a eu pour corollaire la compression des effectifs médicaux et paramédicaux, ainsi que la fermeture de plus de 75 000 lits en vingt ans. Dans ce schéma, la tarification à l’activité a contraint le personnel soignant à la productivité et incité au développement du mode ambulatoire. Les patients, plus nombreux pour un nombre restreint de lits, sont pris en charge moins longtemps. Il en résulte un fonctionnement à flux tendu du système hospitalier, intenable lorsque survient une pandémie telle que celle du Covid-19.

À l’issue de la première vague, on pouvait espérer des mesures d’ampleur pour anticiper la deuxième vague, crainte par le corps médical. Las, aucune loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n’était adoptée dans le cadre du « plan de relance » pour organiser immédiatement les ouvertures de lits et les recrutements de personnels nécessaires. Le Ségur de la santé fut une opération de communication, se soldant par une miette d’augmentation de 35 euros des infirmiers et aides-soignants, et une légère revalorisation des primes des praticiens hospitaliers. Le rapport de la Drees de juillet alertait pourtant sur les conséquences des 4 200 fermetures de lits intervenues en 2018. Pendant ce temps, le nombre de prises en charge, toutes disciplines confondues, continuait de croître. Avec la recrudescence de la pandémie, les services de réanimation ne pouvaient donc qu’être rapidement submergés, conduisant les hôpitaux à déprogrammer de nombreuses interventions.

Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021, actuellement débattu au Parlement, ne programme toujours pas le New Deal indispensable pour remettre l’hôpital public sur ses pieds. Il prévoit de nouvelles coupes budgétaires et annonce certes des ouvertures temporaires de lits, mais sans le personnel supplémentaire nécessaire…

Liêm Hoang-Ngoc Maître de conférences à l’université de Paris-I.

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