Ouïgours : Colonisation, répression, assimilation
La politique coercitive de Pékin vis-à-vis des minorités musulmanes du Xinjiang ne date pas d’hier. Mais, depuis 2016, elle a pris une ampleur sans précédent, que certains observateurs qualifient de génocidaire. Par Louise Pluyaud et Suzanne Adner.
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Arrestations, interdictions de pratiques religieuses et culturelles, internements massifs en camps, vidéosurveillance, travail forcé, campagnes de stérilisation… Depuis trois ans, les échos les plus glaçants s’échappent de la province du Xinjiang, à l’ouest de la Chine, où la politique de répression à l’égard des minorités musulmanes a pris une ampleur terrifiante. En 2018 déjà, Rebiya Kadeer, égérie de la résistance ouïgoure en exil, avertissait dans ces pages : « Si le monde ne réagit pas, nous allons disparaître (1). » Depuis, les plus folles rumeurs – récits de rescapés, d’exilés dont la famille est encore au pays – sont les unes après les autres étayées par des enquêtes de journalistes, de chercheurs et d’ONG. Et de rapports en témoignages, le monde s’interroge : assiste-t-on à un génocide d’un genre nouveau ?
« L’histoire de la région ouïgoure est une histoire de colonisation », raconte la sociologue Dilnur Reyhan (lire entretien pages 16-17). Carrefour de la légendaire route de la soie, cet immense territoire, vaste comme trois fois la France, n’a été arrimé à l’empire chinois qu’entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Baptisée Xinjiang – littéralement « nouvelle frontière » –, la province est alors majoritairement peuplée d’Ouïgours, musulmans turcophones, ainsi que de minorités kazakhes, tadjikes et kirghizes. « Et les relations avec “l’occupant” han [ethnie majoritaire en Chine, NDLR] sont tendues », rappelle la journaliste Sylvie Lasserre (2). Par deux fois, dans les années 1930 et 1940, les Ouïgours tentent de fonder une -république du Turkestan oriental. Éphémères indépendances, définitivement renvoyées au passé en 1949. Car, pour la toute nouvelle République populaire de Chine, il n’est pas question de perdre le territoire de l’empire qu’elle entend remplacer. En 1955, la région devient l’une de ses cinq « provinces autonomes ». Un titre de papier.
En théorie, les régions autonomes sont administrées à la fois par un gouverneur local, issu de la minorité principale, et par le secrétaire du Parti communiste chinois (PCC), qui, au Xinjiang, est un Han, envoyé par Pékin. Celui-ci possède le véritable pouvoir », souligne Vanessa Frangville, maîtresse de conférences en études chinoises à l’Université libre de Bruxelles. L’« autonomie » des provinces tient davantage à l’autorisation d’exceptions
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