« Les firmes pharmaceutiques restent guidées par le profit »

Pour Nathalie Coutinet, les déboires de la course aux vaccins soulignent les effets pervers du modèle pharmaceutique, dans lequel l’urgence sanitaire passe au second plan.

Erwan Manac'h  • 3 février 2021 abonné·es
« Les firmes pharmaceutiques restent guidées par le profit »
Le Premier ministre anglais Boris Johnson en visite dans un centre de vaccination.
© WPA POOL / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Dans la guerre sans merci qu’ils se livrent pour s’arracher les doses de vaccins, les États payent leur trop grande dépendance à l’industrie privée, malgré les sommes considérables d’argent public investi. Les firmes profitent d’un droit de propriété intellectuelle sur mesure garantissant leurs profits, explique l’économiste Nathalie Coutinet.

La course aux vaccins, les promesses non tenues par les fabricants, les pays du Sud non servis : le modèle économique de l’industrie du médicament est-il à la hauteur des enjeux ?

Nathalie Coutinet : Les événements mettent en lumière le fait que l’industrie pharmaceutique est composée d’acteurs privés, financiarisés, qui sont à la recherche de profits et de dividendes. Le souci de la santé publique est très loin derrière ces objectifs premiers. Ce qui guide la recherche, l’innovation et les stratégies des firmes reste le profit. Aucun des acteurs du marché mondial n’a la capacité de production pouvant satisfaire la demande, mais ils préfèrent ne pas la satisfaire que donner des licences larges pour permettre à tous les producteurs potentiels de médicament de fournir des vaccins.

Ce modèle a néanmoins permis de trouver un vaccin dans un délai record…

Le vaccin a été trouvé, d’une certaine manière, grâce à un coup de chance. L’ARN messager, sur lequel beaucoup d’acteurs travaillent depuis longtemps, s’est révélé hyper efficace. Il y a une sorte d’heureux concours de circonstances. Ce n’est pas toujours le cas. Pour Ebola, la découverte du vaccin avait tout de même pris cinq ans, ce qui était déjà rapide. Il faut néanmoins noter que l’accélération de la recherche sur l’ARN messager a été rendue possible par l’argent public et l’aide internationale.

Les États sont-ils aujourd’hui dépendants de l’industrie ?

Totalement. Il y a eu un renforcement des brevets en 1994, dans le cadre d’un accord signé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les brevets pharmaceutiques, depuis, sont mondiaux et les domaines de protection ont été étendus aux gènes, aux méthodes chirurgicales, etc. Les États sont liés par ces accords qu’ils ont signés. Ils sont donc

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)