LR : À droite toute !

Vainqueur de la primaire LR, Valérie Pécresse défend un projet d’« ordre », autoritaire et ultralibéral pour tenter de se frayer un chemin entre l’extrême droite et Macron.

Michel Soudais  • 8 décembre 2021
Partager :
LR : À droite toute !
Fort des 39 % recueillis sur son programme proche de l’extrême droite, Éric Ciotti veut que ses idées soient « représentées avec force ».
© Anne-Christine POUJOULAT/AFP

La campagne présidentielle démarre vraiment, maintenant. Le paysage politique est planté. Le congrès de désignation du candidat du parti Les Républicains a levé le voile sur la dernière inconnue qui subsistait. C’est Valérie Pécresse qui sera sa candidate, la présidente de la région Ile-de-France, qui n’était pas la favorite, ayant triomphé de tous ses concurrents. « La droite républicaine est de retour », a-t-elle aussitôt clamé. La droite, oui. Mais quelle droite ?

Si l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy l’a emporté le 4 décembre avec 61 % face à Éric Ciotti, qui l’avait devancé d’un cheveu au premier tour (25,6 % contre 25 %), ce scrutin a donné l’image d’un parti éclaté, quatre des cinq candidats se tenant dans un mouchoir de poche, Michel Barnier et Xavier Bertrand ayant respectivement recueilli 23,4 % et 22,4 % des suffrages. Ce mode de désignation, où la base militante influencée par le discours zemmourien est plus radicale que ses élus, a conduit les différents prétendants à multiplier les propositions démagogiques, souvent contraires à la Constitution et aux engagements de la France, comme on a pu le voir lors des quatre débats télévisés.

Pour l’emporter, Valérie Pécresse, qui avait quitté en 2019 Les Républicains et créé son mouvement (Libres !), en dénonçant la « droitisation » de son dirigeant Laurent Wauquiez, notamment sur les « questions identitaires », a fortement droitisé son discours. On l’a ainsi vue critiquer fortement le projet de moratoire sur l’immigration de Michel Barnier, lors du débat du 21 novembre, car « ce n’est pas l’immigration zéro ».

Porteuse d’un projet d’« ordre » pour « relever la France », son premier acte de présidente serait de « présenter au Parlement deux lois constitutionnelles pour stopper l’immigration incontrôlée et pour assurer la sécurité de tous les Français ». Déterminée à durcir le regroupement familial, à conditionner les prestations sociales à « cinq ans de résidence régulière », à « cesser le droit du sol automatique, y compris en métropole », à mettre fin aux visas pour les pays qui ne reprendraient pas leurs ressortissants expulsés, elle annonce une « intensification » des charters.

Son premier acte de présidente : « stopper l’immigration pour assurer la sécurité. »

Sur le volet sécuritaire, elle promet, entre autres, « 5 milliards » d’euros pour équiper les forces de l’ordre, un armement des polices municipales, la construction de 20 000 places prison, des jugements accélérés – « moins de six mois » pour les délits du quotidien –, et l’établissement de la majorité pénale à 16 ans, mesure régressive s’il en est. Elle réclame enfin un doublement des peines pour des délits commis « dans les quartiers de reconquête républicaine ». Cette dernière proposition, contraire au principe d’unité de la République, est aussi contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, incluse dans notre bloc de constitutionnalité, notamment son article 6 qui proclame que « la loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

Ce n’est pas encore assez pour Éric Ciotti. Fort des 39 % recueillis sur son programme proche de l’extrême droite, le député des Alpes-Maritimes a reproché dimanche à Valérie Pécresse de ne pas envoyer un « bon message » aux électeurs. En cause : l’entretien sur TF1 de la veille, où la candidate refusait de reprendre certaines de ses propositions, comme la création d’un « Guantanamo à la française ». « J’entends que mes idées soient représentées avec force » dans la campagne à venir, a-t-il déclaré. Lundi, dans le fief de Ciotti, avec qui elle était venue s’expliquer, Valérie Pécresse lui promettait une « place singulière ». Et n’excluait pas de « pimenter » son projet « par un certain nombre de suggestions, notamment sur la transmission des patrimoines » – Ciotti veut une exonération totale des successions et une baisse massive de l’impôt sur le revenu –, un projet dont le volet économique est déjà très fourni en mesures ultralibérales : baisse des cotisations sociales, recul du départ en retraite à 65 ans, dégressivité accrue des allocations-chômage, fin des 35 heures, suppression de 150 000 fonctionnaires…

À son discours identitaire et sécuritaire, la candidate qui se réclame de Merkel et Thatcher, ajoute une régression sociale d’ampleur.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »
Entretien 17 avril 2024 abonné·es

« Développer toutes les mutineries contre la classe dominante »

Peter Mertens, député et secrétaire général du Parti du travail de Belgique, publie Mutinerie. Il appelle à multiplier les mobilisations contre l’Europe néolibérale et austéritaire sur tout le Vieux Continent.
Par Olivier Doubre
« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 
Politique 12 avril 2024 abonné·es

« Les Écolos, c’est comme les pirates dans Astérix qui se sabordent eux-mêmes » 

À la peine dans les sondages pour les élections européennes, avec une campagne qui patine, le parti écologiste se déchire sur fond d’affaire Julien Bayou. La secrétaire nationale, Marine Tondelier, tente d’éteindre le démon de la division.
Par Nils Wilcke
« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »
Entretien 11 avril 2024 abonné·es

« Il est presque sûr que des eurodéputés RN ont reçu de grosses sommes de la Russie »

À deux mois des élections européennes, l’ONG internationale Avaaz part en campagne contre le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen dont les sulfureux liens internationaux sont inquiétants.
Par Michel Soudais
« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »
Entretien 10 avril 2024 libéré

« La gauche de demain doit être soucieuse d’un rassemblement démocratique »

Le professeur de science politique Philippe Marlière est coauteur d’un court ouvrage étrillant la classe politique française et interpellant six personnalités (dont Hollande, Macron, Mélenchon). Pour lui, la gauche doit se repenser si elle souhaite devenir majoritaire.
Par Lucas Sarafian