Manu les mains sales

En visite dans les pays du Golfe, Emmanuel Macron s’est félicité d’un nouveau contrat de vente d’armes au montant mirifique.

Nadia Sweeny  • 8 décembre 2021
Partager :
Manu les mains sales
© Bandar AL-JALOUD / Saudi Royal Palace / AFP

’est le plus gros contrat militaire à composante française de notre histoire ! », s’est glorifié Emmanuel Macron. En visite dans les pays du Golfe, notre président trépigne comme un gamin devant le montant du contrat passé avec les Émirats arabes unis (EAU). Dix-sept milliards d’euros pour 80 Rafale, 12 hélicoptères. Une revanche, clame son entourage, sur la déculottée du contrat perdu avec l’Australie. En réalité, c’est une double humiliation. Voilà le pays des Lumières courant tel un éperdu derrière ces régimes dictatoriaux, les suppliant de lui acheter ses armes, de lui rendre son honneur bafoué par les Américains. Le torse gonflé, les pétromonarchies acceptent volontiers. Elles se rachètent ainsi une fréquentabilité.

Et nous, il faudrait qu’on s’en réjouisse ? Submergés par les arguments habituels : la défense des intérêts économiques et des emplois français. Bouche cousue sur la part des actionnaires, ça ferait tache dans le décor.

Un chantage à l’emploi pour tenter de justifier un commerce avec Mohammed ben Salmane – MBS –, héritier du trône saoudien, et Mohammed ben Zayed al-Nahyane (MBZ) aux EAU. Le premier, accusé de crime contre l’humanité pour avoir fait exécuter et dépecer Jamal Khashoggi, journaliste et dissident saoudien, en 2018. Depuis, aucun chef d’État de pays démocratique n’a visité MBS. Ce 4 décembre, Emmanuel Macron, président de la nation des droits de l’homme, est le premier à le faire. Quelle déchéance ! Une poignée de mains sales qui s’ajoute à celle échangée avec MBZ, visé par une enquête française pour « complicité d’actes de torture » sur fond de guerre au Yémen, menée par une coalition rassemblant l’Arabie saoudite et les EAU. Une guerre où des armes françaises sont utilisées pour faire feu sur des zones civiles. Nos dirigeants nous mentent systématiquement sur la manière dont sont utilisés les savoirs technologiques français vendus à quelques-uns des pires régimes de la planète. Même les renseignements livrés en 2016 par la France à l’Égypte, au nom de la lutte antiterroriste, ont servi au régime autoritaire d’Al-Sissi pour fomenter des assassinats de civils en Libye. Comment peut-on encore se leurrer en croyant que le gouvernement français garde la main sur l’utilisation des technologies vendues ?

La ministre des Armées, Florence Parly, continue de répandre de se vanter que par ces contrats notre pays contribue « directement à la stabilité régionale » età la lutte contre le terrorisme. La stabilité par la guerre, en vendant des armes à des gouvernements despotiques qui s’essuient les pieds sur les plus élémentaires des droits humains : en voilà une stratégie ! Certes, l’argent n’a pas d’odeur, mais la poudre, si. Et elle est tenace.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste
Parti pris 14 novembre 2025

Course de voiliers au large : l’aventure dans le typhon capitaliste

Le 6 novembre, en Martinique, le premier voilier de la Transat Café L’Or, traversée de l’Atlantique en double, a passé la ligne d’arrivée. Entre prouesses technologiques et budgets colossaux, la course au large est devenue une vitrine du capitalisme, où les skippers naviguent davantage sur les chiffres que sur l’océan.
Par Caroline Baude
Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste
Parti pris 12 novembre 2025

Budget : l’impasse stratégique du parti socialiste

L’article sur la suspension de la réforme des retraites du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera examiné ce 12 novembre à l’Assemblée. Le PS, en quête d’un moment de gloire politique, a opté pour la stratégie de la magouille en votant pour la partie recettes du PLFSS dimanche dernier.
Par Lucas Sarafian et Pierre Jequier-Zalc
1995 : une révolte fondatrice
Luttes sociales 5 novembre 2025

1995 : une révolte fondatrice

Le mouvement social 1995 fut à la fois une victoire sociale et un basculement politique. Entre la résignation et la résistance, un monde s’est dessiné et nous vivons encore dans son sillage.
Par Benoît Teste et Pierre Jacquemain
Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel
Parti pris 5 novembre 2025

Mamdani, la gauche qui réconcilie radicalité et réel

L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York relève du séisme politique. Dans la ville la plus chère du monde, bastion du capitalisme financier, les nombreux électeurs ont porté au pouvoir un maire issu de la gauche de gauche, musulman, cible d’une campagne d’islamophobie médiatique jusqu’en France. Au-delà du symbole, cette victoire incarne le retour d’une gauche concrète et populaire.
Par Pierre Jacquemain