Ces militantes antiféministes et racistes

La politiste Magali Della Sudda décrypte le phénomène en plein développement des femmes qui militent à la droite de la droite.

Daphné Deschamps  • 23 février 2022 abonné·es
Ces militantes antiféministes et racistes
L’ex-porte-parole de Génération identitaire, Thaïs d’Escufon, manifeste contre la dissolution du groupuscule, le 20 février 2021 à Paris.
© Bertrand GUAY / AFP

Qui sont les femmes de droite et d’extrême droite ? Pourquoi défendent-elles des idéologies ou des positions politiques en apparence contraires à leurs intérêts ? D’où viennent-elles, et comment se positionnent-elles dans des milieux souvent masculins, voire masculinistes ? Il existait assez peu d’ouvrages sur la question, la référence étant jusqu’à présent Les Femmes de droite d’Andrea Dworkin, publié en 1983, tournant autour des femmes américaines.

L’enquête de la politiste et historienne Magali Della Sudda Les Nouvelles Femmes de droite propose enfin une étude sur ces militantes. Son ouvrage dresse le portrait de différents courants et groupuscules de femmes qui tentent de se faire une place dans le paysage médiatique et politique français.

Antiféministes, « alterféministes », féministes identitaires ou fémonationalistes, catholiques, contre l’avortement, la PMA, la GPA ou encore le mariage pour tous. Des groupes qui sont par ailleurs souvent transphobes. Qu’il s’agisse de collectifs, de sous-groupes, de porte-parole ou d’éditorialistes, ces femmes sont fréquemment invitées sur les plateaux de télévision et très présentes sur les réseaux sociaux. Toutes sont rompues à la communication et s’accrochent en général à des mouvements conservateurs plus larges. Ainsi, Magali Della Sudda s’intéresse aussi bien au collectif Némésis, « collectif féministe identitaire » qui se fait connaître à travers des actions « coups de poing », qu’à des figures comme Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, qui n’hésite pas à se revendiquer antiféministe.

La chercheuse met en exergue la structuration de ces groupes et figures féminines autour de deux mouvements de masse : tout d’abord la Manif pour tous, moment fondateur par exemple pour les Caryatides, qui ont été une annexe de l’Œuvre française et du Parti nationaliste français. Elles sont les héritières des femmes de droite de ligues antiféministes qu’avait pu décrire Dworkin dans les années 1980. Durant la Manif pour tous, les femmes de droite et d’extrême droite s’unissent autour d’un objectif commun et conservateur, et profitent d’un besoin médiatique de représentation de ce mouvement.

L’autre mouvement de masse qui leur profite a été, étonnamment, le mouvement #MeToo. Certaines, comme Némésis, s’y sont raccrochées, d’une part pour servir leurs revendications xénophobes, mais aussi, parfois, avec une véritable volonté d’autodéfense féminine. Avec cette enquête fouillée et sa démonstration argumentée, Magali Della Sudda propose un travail de référence sur la question. Mais également un arsenal d’éléments scientifiques et objectifs qui permettent d’analyser ces mouvements et par conséquent d’y riposter.

Les Nouvelles Femmes de droite Magali Della Sudda, Hors d’atteinte, 320 pages, 19 euros.

Idées
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