« Visages de femmes », de Désiré Écaré : Affranchies ivoiriennes

Unique long-métrage de Désiré Écaré, Visages de femmes ressort en salle. Une redécouverte.

Jérôme Provençal  • 22 février 2022 abonné·es
« Visages de femmes », de Désiré Écaré : Affranchies ivoiriennes
© La Traverse

Originaire d’Abidjan, Désiré Écaré est arrivé en France en 1961 pour y suivre ses études. C’est en 1965 qu’il a intégré l’Idhec. Diplôme de réalisateur-producteur en poche, il a tourné deux moyens-métrages dans son pays d’adoption : Concerto pour un exil (1968) et À nous deux, France (1970).

Visages de femmes, Désiré Écaré, 1 h 45.
En 1973, il s’est lancé dans l’aventure de son premier film en Côte d’Ivoire, avec des interprètes amateurs et un budget très limité. Contraint d’arrêter le tournage, par manque de fonds, il n’a pu mener le projet à terme que dix ans plus tard. Intitulé Visages de femmes, ce long-métrage – sorti en France en 1985 – prend la forme, très libre, d’une chronique sociale entre campagne et ville. Comme le titre le suggère clairement, le film place les femmes au premier plan et s’attache à les suivre avec une sensibilité vivace.

Développé par fragments d’une femme à l’autre, le récit – au fil narratif ténu – se focalise en particulier sur deux d’entre elles : une jeune villageoise attirée par le frère cadet de son mari et une mère de famille à Abidjan, riche entrepreneuse, néanmoins dépourvue de pouvoir véritable. D’un naturel confondant, tant dans le jeu que dans la mise en scène (à fleur de réel), cette fiction fortement mâtinée de documentaire – sur laquelle plane souvent l’ombre de Jean Rouch – témoigne avec éclat(s) de la quête d’indépendance de femmes prises dans le carcan d’une société patriarcale.

Si le tableau n’est pas gai, le film n’est pas triste pour autant. Il en émane, au contraire, une joie profonde, particulièrement dans les vibrantes scènes de chants et de danses qui le ponctuent tout du long. Se détache plus encore une séquence magnifique où l’on voit le jeune couple adultère s’ébattre dans un lac : à la fois cru et pudique, brut et poétique, un sommet d’érotisme aquatique.

Cinéma
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