Tisseurs de liens 2/7 – Cléophée Vandevoorde : Des vies à la lettre
Les écrivain·es public·ques prêtent leur plume à celles et ceux qui ne la maîtrisent pas. Une lutte quotidienne contre l’illettrisme, la dématérialisation et une administration déshumanisée.
dans l’hebdo N° 1697 Acheter ce numéro

© Erwan Manac’h
À quoi ça sert de raconter tout ça ? » Hichem (1) reste figé dans son fauteuil. Épaisse doudoune noire fermée sur ses soucis, pointes des pieds vissées au sol, il ne bouge que la tête pour interroger d’une voix délicate. De l’autre côté d’une vitre en plexiglas brinquebalante, Cléophée Vandevoorde fait pleuvoir ses doigts fins sur le clavier d’un petit ordinateur portable, juchée à l’avant de sa chaise, épaules relevées. « Vous allez être convoqué à un entretien de naturalisation, vous aurez des questions très personnelles. Cela peut être une expérience difficile à vivre, je préfère vous prévenir. »
Le hurlement du téléphone annonce soudain l’arrivée du rendez-vous suivant. « Allô, oui j’arrive dans cinq minutes. » Une heure est passée. Déjà. « Je vais lire et vous me direz ce que vous en pensez, d’accord ? » De sa voix fluette, Cléophée Vandevoorde rend vivante une lettre intime et solennelle. Malgré les formules de politesse, les idées livrées pêle-mêle par Hichem sont toutes là, sobres et claires, chacune à sa place. « Dans l’assurance de mes sentiments les meilleurs… » Hichem libère un soupir qu’il semblait retenir depuis de longues minutes et qui lui décroche les épaules. « Vous avez tout dit. Merci Madame ! » La lettre ouvrira le dossier de sa demande de naturalisation qu’il a décidé d’adresser à l’administration, trente ans après son arrivée en France et quelques semaines après la naissance de son troisième enfant.
Aider tout un chacun à affronter le vertige de l’écriture, c’est le métier de Cléophée Vandevoorde, 28 ans. Écrivaine
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