Recréer du possible

Le score cumulé historiquement bas qui s’annonce au premier tour de la présidentielle invite les forces du progrès sociales et écologiques à une profonde remise en question.

Antonin Amado  • 6 avril 2022
Partager :
Recréer du possible
© Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

La colère et le désarroi. Ces deux sentiments prédominent au sein du peuple de gauche face au cruel constat qui s’impose en vue du premier tour de l’élection présidentielle. Les forces de progrès sociales et écologiques devraient réaliser au premier tour un score cumulé historiquement bas. La proportion des inscrits sur les listes électorales enclins à glisser dans l’urne un bulletin en faveur de n’importe quel candidat situé à gauche d’Emmanuel Macron n’a pas progressé en cinq ans. Elle stagne, en moyenne, entre 27 et 30 %. Sur la même période, celle de l’extrême droite est quant à elle passée de 25 % à près de 34 %. Il existe une forme de sidération à constater qu’une qualification au second tour de Jean-Luc Mélenchon résulterait d’une scission du camp de la haine, Éric Zemmour siphonnant une partie des votes de Marine Le Pen.

C’est à une profonde remise en question que doivent se livrer non seulement le Parti communiste français, La France insoumise, Europe écologie-Les Verts mais également l’ensemble des forces sociales-démocrates, dont l’existence politique et sociologique perdure évidemment dans notre pays. Une introspection indispensable pour que les cinq ans qui viennent ne ressemblent en rien aux cinq longues années que nous venons de traverser. Alors que le mot « union » fut de tous les discours, chacune de ces formations s’est présentée seule au scrutin le plus structurant de la Ve République. Une posture qui a poussé chaque formation à mettre l’accent sur ce qui la différencie, bien davantage que sur les sujets qui rassemblent. Le travail de rapprochement programmatique n’aura jamais eu vraiment lieu. Le Parti communiste et La France insoumise ont très tôt choisi la stratégie du cavalier seul.

LFI risque ainsi le plafonnement au troisième rang du scrutin quand les communistes français se condamnent à une présence relevant, au mieux, du témoignage. Certaines alliances « naturelles », à l’instar de celle que devaient nouer le PS et EELV, auraient dû voir le jour à l’aune des urgences de notre temps. Ces deux formations n’ont de toute évidence pas soldé le passif qui les oppose depuis le quinquennat d’un trio de triste mémoire, formé par François Hollande, Manuel Valls et Myriam El Khomri, et qui aura abîmé jusqu’à la conception du mot « gauche » à force de libéralisation, de reculs sur les droits sociaux et les libertés publiques. Le choix qui s’offre aux forces progressistes est désormais binaire : tenter de régner sur un champ de ruines. Ou bien créer, enfin, du possible. Un espoir à ne pas caresser de trop près alors même que, en coulisse, les rivalités d’appareil pointent déjà en vue du prochain scrutin législatif.

Publié dans
Parti pris

L’actualité vous fait parfois enrager ? Nous aussi. Ce parti pris de la rédaction délaisse la neutralité journalistique pour le vitriol. Et parfois pour l’éloge et l’espoir. C’est juste plus rare.

Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

La fin du mythe de  la méritocratie 
Parti pris 17 décembre 2025

La fin du mythe de  la méritocratie 

La méritocratie continue d’être brandie comme la preuve que tout serait possible pour qui « se donne les moyens ». Mais ce discours, qui ignore le poids écrasant des origines sociales, n’est rien d’autre qu’un instrument de culpabilisation. En prétendant récompenser le mérite, la société punit surtout ceux qui n’avaient aucune chance. Voici pourquoi le mythe s’écroule et pourquoi il faut enfin le dire.
Par Pierre Jacquemain
Le « sales connes » qui cache la forêt
Parti pris 13 décembre 2025

Le « sales connes » qui cache la forêt

L’insulte surmédiatisée de Brigitte Macron envers des militantes féministes doit nous indigner… Sans nous faire perdre de vue la stratégie d’inversion de la culpabilité mise en place par Ary Abittan.
Par Salomé Dionisi
Budget : le renoncement socialiste
Parti pris 9 décembre 2025

Budget : le renoncement socialiste

Le Parti socialiste, qui avait retrouvé une cohérence en renouant avec la gauche au moment de la Nupes, semble aujourd’hui s’égarer à nouveau. En validant la trajectoire gouvernementale, il fragilise tout le camp progressiste.
Par Pierre Jacquemain
Bardella, l’œuf et la peur
Parti pris 2 décembre 2025

Bardella, l’œuf et la peur

En quelques jours, le président du RN a été aspergé de farine et a reçu un œuf. Pour certains commentateurs, nous serions entrés dans une ère de chaos où la démocratie vacille au rythme des projectiles de supermarché. Ce qui devrait plutôt les inquiéter est la violence d’une parole politique qui fragilise les minorités, les élus et l’État de droit.
Par Pierre Jacquemain