François Gemenne : « La neutralité du chercheur est une chimère »

Le scientifique et militant François Gemenne revient sur la séquence politique qui a vu la cause climatique passer au second plan malgré l’urgence. Entre désillusion et espérance.

Vanina Delmas  • 1 juin 2022 abonné·es
François Gemenne : « La neutralité du chercheur est une chimère »
Lors d’une marche climat à La Réunion, le 25 septembre 2021.
© Bastien Doudaine/Hans Lucas/AFP

L’année 2022 aurait pu marquer un tournant crucial dans la lutte contre le changement climatique. Entre l’élection présidentielle et la publication de plusieurs rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), la balance aurait dû pencher du côté de l’action efficace, radicale. Mais le sujet n’a même pas réussi à s’imposer dans les débats.

Spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations environnementales, François Gemenne a participé au deuxième volet du 6e rapport du Giec, publié en février. Il s’est également engagé dans la campagne chez EELV, en tant que président du conseil scientifique de Yannick Jadot, comme une énième tentative d’alerter et d’agir. Il revient avec lucidité sur ces quelques mois durant lesquels le dépit, le pessimisme et la colère se sont mêlés face à l’inaction politique et sociétale délibérée malgré l’urgence.

Dans l’émission « C ce soir » sur France 5, le 2 mai, vous avez exprimé votre désarroi : « Pour moi, c’est mort depuis la sortie du troisième volet du rapport du Giec, le 4 avril dernier ! » Ce rapport constitue-t-il un point de non-retour pour vous ?

François Gemenne : C’est un rapport extrêmement précis, presque chirurgical, car il décrit les solutions pour tenir les objectifs climatiques. Mais il est également terrible à lire, car il montre qu’on échoue à les atteindre parce qu’on choisit de ne pas faire les sacrifices nécessaires. Ce n’est plus une question d’efforts ou de nécessité de convaincre : ce sont des choix politiques et collectifs. Pour le moment, nous suivons le choix qui nous conduit vers une trajectoire de 3,5 °C de réchauffement. Je suis parfois gêné par

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)
Écologie
Temps de lecture : 10 minutes

Pour aller plus loin…

Les batailles de l’arbre bourgeonnent en France
Luttes 27 septembre 2023 abonné·es

Les batailles de l’arbre bourgeonnent en France

Partout dans le pays, des collectifs se créent pour défendre platanes ou marronniers en milieu urbain, toujours menacés par des projets d’aménagement du territoire déconnectés des enjeux climatiques.
Par Vanina Delmas
« La question de la confiance dans la science est peut-être déjà dépassée »
Entretien 20 septembre 2023 libéré

« La question de la confiance dans la science est peut-être déjà dépassée »

L’historienne et philosophe Bernadette Bensaude-Vincent, autrice avec le philosophe Gabriel Dorthe d’un essai sur la montée de l’irrationalité et la perte de confiance dans la communauté scientifique, interroge le rôle de la science face au climatoscepticisme et au complotisme.
Par François Rulier
« L’objectif des climatosceptiques est de semer le doute »
Entretiens 20 septembre 2023 abonné·es

« L’objectif des climatosceptiques est de semer le doute »

« Arrêtons de croire que ce sont juste des gens qui doutent sur la science. » Jean Jouzel, paléoclimatologue et Camille Étienne, activiste écologiste, livrent leur analyse sur la poussée du climatoscepticisme.
Par Vanina Delmas
Climatosceptiques et toxiques
Enquête 20 septembre 2023 libéré

Climatosceptiques et toxiques

Plus l’urgence climatique est visible et les catastrophes dramatiques, plus les voix remettant en question les causes humaines du dérèglement retrouvent du souffle. En France, les climatosceptiques n’ont pas désarmé : ils ont renouvelé leur arsenal, et leur objectif reste le même : répandre le trouble par tous les moyens. Décryptage.
Par Vanina Delmas