Les trous de mémoire de M. Macron
Le Président a oublié qu’en 2018 il a voulu « honorer » le « grand soldat » Pétain.
dans l’hebdo N° 1715-1719 Acheter ce numéro
En ce dimanche 17 juillet, Emmanuel Macron s’est donc rendu, pour commémorer les 80 ans de la rafle du Vél’ d’Hiv’, à la gare de Pithiviers (Loiret), qui fut le deuxième lieu de déportation en France durant la Seconde Guerre mondiale. L’Élysée l’avait annoncé : le chef de l’État, qui était notoirement « accompagné » de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, devait prononcer dans cette circonstance « un “discours offensif” contre l’antisémitisme », qui « rôde encore et parfois de manière insidieuse » et « préoccupant[e] », et contre « le “révisionnisme historique”, notamment sur le rôle du maréchal Pétain pendant la Seconde Guerre mondiale (1) ».
Et de fait : Emmanuel Macron a lancé un vibrant appel à « redoubler de vigilance » face à un antisémitisme « toujours vivace » qui « s’immisce dans les débats sur les plateaux de télévision », qui « joue de la complaisance de certaines forces politiques » et qui « prospère aussi autour d’une nouvelle forme de révisionnisme historique, voire de négationnisme ».
Puis le chef de l’État français, dont les propos visaient plus particulièrement l’éditocrate d’extrême droite Éric Zemmour – qui va répétant depuis 2010 que Pétain aurait « sauvé » des juifs –, a encore asséné : « Ni Pétain, ni Laval, ni Bousquet, ni Darquier de Pellepoix, aucun de ceux-là n’a voulu sauver des juifs. C’est une falsification de l’histoire que de le dire (2). »
D’évidence, Emmanuel Macron souffre donc de graves trous de mémoire. D’évidence, Emmanuel Macron a ainsi oublié qu’en 2018, un an après avoir été une première fois élu pour faire barrage à l’extrême droite, il avait voulu « honorer » le « grand soldat » Pétain (3). D’évidence, Emmanuel Macron a aussi oublié qu’en 2020 il avait longuement téléphoné à Éric Zemmour pour lui apporter son soutien après que l’intéressé avait été apostrophé un peu vivement par un passant.
D’évidence encore, Emmanuel Macron a également oublié qu’il s’est tenu coi lorsqu’en 2021 son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a publié un livre dans lequel il pérorait sur « les difficultés liées à la présence de dizaines de milliers de juifs en France » à l’époque napoléonienne. D’évidence enfin, Emmanuel Macron a même oublié que des député·es de son parti viennent, en juin, d’offrir deux vice-présidences de l’Assemblée nationale à un parti cofondé par, entre autres, un ex-Waffen SS et un ancien milicien – et qu’il a lui-même invité deux représentant·es de ce parti à venir l’écouter ce dimanche à Pithiviers.
Ou alors, qui sait : peut-être qu’en réalité Emmanuel Macron se rappelle tout cela, mais qu’il fait – un peu comme s’il nous prenait encore une fois pour des imbéciles – le pari que nous en aurons, nous, tout oublié.
(1) Le Monde, 17 juillet 2022.
(2) Idem.
(3) Quelques mois plus tôt, sa ministre de la Culture avait quant à elle prévu de « célébrer » Charles Maurras, inventeur de l’antisémitisme d’État, et Jacques Chardonne, écrivain antisémite et collaborationniste.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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