Portrait – Noémie : Porc d’attache

Des problèmes de santé ont conduit Noémie Calais à quitter une carrière prometteuse de consultante pour devenir éleveuse dans le Gers.

Vanina Delmas  • 20 juillet 2022 abonné·es
Portrait – Noémie : Porc d’attache
© Montage Politis, photos Clément Osé et Dursun Aydemir/Anadolu Agency/AFP

Cette année, Noémie Calais (1) a réussi à prendre quatre jours de congé en juillet. Mais, dès son retour, elle doit s’atteler à un atelier bricolage surprise : les porcs ont cassé des portes et elle doit les réparer en urgence, avant d’enchaîner avec la vente de ses produits à la ferme. Un emploi du temps à l’opposé de celui qu’elle avait il y a cinq ans, lorsqu’elle gravissait les échelons dans le milieu du consulting. Après un bac scientifique obtenu avec un 20/20, elle décroche le diplôme de Sciences Po-Paris en 2014 puis intègre un cabinet de conseil en développement à Londres qui travaille notamment pour la Commission européenne et le gouvernement anglais. « Dans ce milieu, chaque nouvelle expérience a pour unique but d’ajouter une ligne sur son CV afin de devenir plus compétitif et d’être choisi pour des appels à projets. C’est vraiment le règne du paraître », reconnaît-elle aujourd’hui. Heureuse dans son quotidien de citadine, elle voit déjà sa carrière toute dessinée. Elle pense même être particulièrement consciente de la crise écologique puisqu’elle s’intéresse au développement durable et à la responsabilité sociétale des entreprises.

Mais, à 25 ans, Noémie développe de sérieux problèmes de santé : troubles respiratoires, maux de tête, troubles cognitifs… « Cela touchait mon fonctionnement physique et mental. Même si j’ai rejeté cette hypothèse pendant longtemps, j’ai dû admettre que tout était lié à la pollution de l’air ou électromagnétique. » Elle se réfugie dans des endroits protégés des ondes, retrouve ses facultés et comprend que sa vie se trouve désormais à la campagne. Pendant cette mise au vert, elle ingurgite de nombreux livres sur les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les différentes formes d’agriculture. Une claque. « En sortant de Sciences Po, je pensais naïvement que le but des pouvoirs publics était de préserver l’environnement, la qualité de l’air, de l’eau… Or la santé publique passe tout le temps au second plan ! »

À l’été 2016, la jeune fille arrive dans le Gers en woofing (2) dans la ferme d’une famille anglaise qui a besoin d’un coup de main pour l’élevage de ses porcs noirs. Elle tombe amoureuse de la région. Comme de nombreux néoruraux, elle s’imagine maraîchère. Mais sa formation au lycée agricole de Mirande pour obtenir son brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole lui prouve que sa seule passion est pour les cochons. Elle pousse le projet plus loin en apprenant la transformation de la viande à Aurillac, une formation connue pour respecter la démarche paysanne.

En 2018, Noémie finit par s’installer au sein du collectif fermier des Arbolèts, sur le site de La Bourdette, à Montégut, où elle élève en plein air et en bio des porcs noirs locaux. Aujourd’hui, elle fait naître et élève ses animaux, les conduit à l’abattoir et s’occupe elle-même de la transformation des produits à la coopérative d’utilisation de matériel agricole, pour les vendre au marché ou dans sa ferme. « Mettre les mains dans la terre, cuisiner, s’essayer à la menuiserie… La phase d’apprentissage et de découverte du monde rural, des savoir-faire et de la reconnexion au vivant est tellement incroyable ! Impossible de retourner dans une vie urbaine de la même manière. »

Toutes les étapes n’ont pas été faciles, mais Noémie a retrouvé la santé, un équilibre de vie, un mode de fonctionnement fondé sur la coopération, le commun. Elle est même devenue une paysanne militant ardemment pour le plein air et contre l’absurdité des politiques agricoles dictées par des milieux qu’elle côtoyait auparavant de très près, dans une autre vie.

(1) Autrice avec Clément Osé de Plutôt nourrir. L’appel d’une éleveuse, Tana éditions. En librairie le 22 septembre.

(2) Système qui permet d’être hébergé et nourri en échange d’un volume de travail défini préalablement.

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