Prolégomènes à une crise majeure

La situation économique partout se dégrade et les conflits sociaux se multiplient.

Jérôme Gleizes  • 13 juillet 2022
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Prolégomènes à une crise majeure
© Francois Laurens / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jamais depuis un siècle l’humanité n’a été confrontée à la conjonction actuelle de crises aussi variées que graves, s’auto-amplifiant, ne pouvant amener qu’à une crise planétaire majeure si aucune rupture économique et politique n’est mise en œuvre. Une singularité cependant par rapport aux crises passées : l’entrée dans l’anthropocène. Les êtres humains sont devenus des acteurs géologiques transformant notre planète et provoquant des crises anthropogéniques : sixième extinction des espèces, dérèglements climatiques, raréfaction des ressources non renouvelables, baisse de la production alimentaire, épidémie de maladies chroniques…

Aujourd’hui, impossible de modéliser ces crises à venir tellement les effets sont interdépendants et leur accélération défie même les prévisions. Seuls des scénarios sont possibles à imaginer et à formuler. Ceux du Giec sont à chaque nouveau rapport plus dramatiques et inquiétants. De nombreux effets papillon sont en cours, c’est-à-dire une multitude d’événements a priori anodins provoquant des catastrophes majeures.

Les crises géopolitiques se multiplient. La guerre entre l’Ukraine et la Russie n’est que la face émergée de l’iceberg. La montée des mouvements politiques nationalistes réactionnaires de par le monde, en Inde, au Brésil, en Chine, en Europe, le trumpisme aux États-Unis, génèrent de nombreux conflits entre pays avec souvent des relents internes populistes violents.

La conjonction de conflits avec la raréfaction des matières premières et avec des conditions climatiques extrêmes accélère la hausse des prix énergétiques et alimentaires. Cette inflation importée dégrade encore plus les conditions de vie des classes moyennes et populaires. Leurs revenus ont moins augmenté depuis la crise des subprimes que ceux des classes les plus riches. La situation économique partout sur la planète se dégrade et les conflits sociaux se multiplient. L’inflation provoque à son tour, par réflexe pavlovien des banques centrales, une hausse des taux d’intérêt qui elle-même dégrade encore plus le pouvoir d’achat des ménages et surenchérit le coût des investissements. Pourtant, si nous voulons empêcher l’emballement climatique, l’effondrement des écosystèmes, la multiplication des famines, il faudrait investir radicalement dans la rénovation thermique, la restauration des espaces naturels, la décarbonation des transports, des énergies consommées…

Dès cet été, nous risquons la conjonction d’une canicule avec un arrêt des exportations russes de pétrole et de gaz. Résultat, baisse de la production énergétique nucléaire, car l’étiage des fleuves est trop bas. Hausse de la climatisation et du besoin en énergie électrique, mais impossibilité d’avoir une production alternative au gaz. Réouverture des centrales au charbon qui accélère le dérèglement climatique. La guerre, n’étant que la continuité dramatique de la politique, risque alors de devenir le moyen privilégié de tous les nationalismes, préférant trouver des boucs émissaires que s’attaquer aux racines complexes de toutes ces crises. Le scénario exact de la crise n’est pas connu mais, si rien n’est fait, il devient inévitable.

Par Jérôme Gleizes Enseignant à Paris-8.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes
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