Assurance-chômage : la fin de l’illusion

Le projet de loi réformant le régime de l’assurance-chômage ne laisse aucun doute sur le projet du gouvernement : précariser davantage les demandeurs d’emploi et faire pression sur les salariés.

Sabina Issehnane  • 21 septembre 2022
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Assurance-chômage : la fin de l’illusion
© Olivier Dussopt, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion de France, en sortie du Conseil des ministres, le 14 septembre 2022. (Photo : ARTHUR NICHOLAS ORCHARD / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP.)

Le projet de loi présenté par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, semble, à première vue, prolonger pour l’essentiel les règles existantes en matière d’assurance-chômage. Pourtant, à la lecture de l’avis du Conseil d’État, ce dernier « constate […] que le projet du gouvernement ne se limite pas à habiliter le pouvoir réglementaire à proroger à l’identique les dispositions du décret de carence en vigueur […]. Le projet de loi ne comporte en effet aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret ».

Les interventions médiatiques du ministre et du rapporteur, Marc Ferracci, ainsi que le dossier de presse relatif au projet de loi, ne laissent plus de doutes sur les intentions du gouvernement, tout en entretenant l’illusion d’un semblant de démocratie sociale, en imposant une nouvelle réforme de l’assurance-chômage par décret.

Il s’agit de « rendre ces règles plus réactives à la conjoncture économique et à l’évolution du marché du travail ». Autrement dit, les durcir en fonction de la conjoncture.Rien n’est encore explicité sur l’indicateur utilisé afin d’évaluer une « amélioration du marché du travail », ni sur les règles d’indemnisation qui seront modulées.

Selon le ministre, le montant de l’allocation perçue ne sera pas modifié, mais la durée d’indemnisation ou les règles d’éligibilité pourraient être modulées, en augmentant la durée minimale afin d’ouvrir un droit (déjà passée de 4 à 6 mois le 1er décembre 2021) ou en allongeant la période de référence servant de calcul à l’allocation (désormais de 24 à 36 mois depuis le 1er octobre 2021).

Le gouvernement oublie volontairement que la part des demandeurs d’emploi indemnisés est déjà très faible, de l’ordre de 38 %.

Étant donné le nouveau calcul du salaire journalier de référence, le durcissement des critères d’éligibilité risque de pénaliser encore davantage ceux qui ont connu des périodes non travaillées. Introduire une modulation fondée sur la contracyclicité, c’est oublier que l’assurance-chômage est par nature contracyclique, en jouant son rôle de stabilisateur automatique durant les périodes de récession, en soutenant davantage de chômeurs indemnisés.

Arguer d’une volonté d’inciter les chômeurs à reprendre un emploi en réduisant les droits des indemnisés, c’est oublier volontairement que la part des demandeurs d’emploi indemnisés est déjà très faible, de l’ordre de 38 % (1). Prétendre inciter ces indemnisés à reprendre un emploi, c’est oublier le fait que près de la moitié des allocataires travaillent déjà chaque mois, au prix d’une baisse ou d’une suspension de leur indemnisation.

Cette réforme ne vise pas seulement les chômeurs, dont le taux de pauvreté avoisine déjà 39 % (2), elle cherche aussi à faire pression à la baisse sur les salaires. Sans indemnisation de chômage, la marge de négociation des salarié·es sera réduite. Il s’agit d’étouffer toute velléité de revendication salariale. Dès lors, cet artifice gouvernemental appelle d’urgence une mobilisation sociale d’ampleur. Il en va des droits et de la dignité des chômeurs.

Sabina Issehnane est membre des Économistes atterrés.


(1) Sources : Pôle emploi, Fichier national des allocataires, mai 2022.

(2) Insee, DGFIP, Cnaf, Cnav, CCMSA, « Enquête revenus fiscaux et sociaux », 2019.

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