« Trois » d’Acid Arab : techno in the casbah

Maître incontesté de l’électro à la sauce orientale, le collectif parisien sort son galvanisant troisième album, mû par une redoutable dynamique rythmique.

Jérôme Provençal  • 1 février 2023 abonné·es
« Trois » d’Acid Arab : techno in the casbah
© Guillaume Durand.

٣ (Trois), Acid Arab, Crammed Discs, acidarab.bandcamp.com.

L’idée d’un projet mêlant électronique et musiques du Maghreb ou du Moyen-Orient a jailli en 2012 du frottement des platines de deux DJ parisiens, Guido Minisky et Hervé Carvalho. Le concept s’est d’abord concrétisé sous la forme de chaudes soirées hybrides baptisées Acid Arab et organisées dans divers clubs de la capitale, puis de compilations.

Rapidement, le besoin et l’envie de composer des morceaux originaux ont donné naissance à un groupe, le binôme originel étant rejoint par deux producteurs, Nicolas Borne et Pierre-Yves Casanova, ainsi que par le claviériste Kenzi Bourras.

En concert le 9 février à Paris (Olympia), le 18 février à Aix-en-Provence (6Mic), le 25 février à Lyon (Wintower), le 4 mars à La Rochelle (La Sirène).

« Notre processus créatif est toujours un peu le même depuis le début, explique Hervé Carvalho. Nous partons d’ébauches proposées par l’un d’entre nous. Suivant les morceaux, nous travaillons ensuite avec d’autres musiciens, des chanteurs ou des chanteuses. Kenzi – qui connaît beaucoup de monde, en particulier dans la diaspora algérienne à Paris – fait souvent l’intermédiaire. »

Après avoir publié deux disques – dont l’impeccable compilation Collections (2013) – chez Versatile (excellent label électro parisien), cette belle équipe transfrontalière, déjà très remarquée à l’époque, a intégré la maison bruxelloise Crammed Discs. Une parfaite association de bienfaiteurs, dans la mesure où ladite maison apporte depuis quarante ans une contribution majeure à la sono mondiale en favorisant au maximum le décloisonnement musical via d’exigeantes productions hors format.

Ce cheminement commun a démarré avec Musique de France (2016), le (beaucoup plus que tricolore) premier album d’Acid Arab, dont le titre suggère tout en douce ironie la portée politique du projet, placé sous le signe du ­multiculturalisme et de l’ouverture aux autres. « Cette dimension politique est primordiale à nos yeux, souligne Guido Minisky. Néanmoins, nous essayons de ne pas trop en dire à ce sujet pour laisser la musique parler d’elle-même, résonner chez les personnes qui l’écoutent, sans orienter la réception. »

Amené à sillonner la planète pour donner des concerts ou délivrer des DJ-sets, le groupe a poursuivi son ascension et a connu une période d’intense exaltation jusqu’en mars 2020. Aussi dense et chamarré que le premier, le deuxième album, Jdid (2019), est sorti quelques mois avant le début de la pandémie de covid, qui a interrompu brutalement la tournée subséquente.

Fièvre hédoniste

Ayant pu se relancer à l’assaut du monde à partir de 2021, Acid Arab déclenche de massives vagues d’enthousiasme sous de multiples latitudes – par exemple en Inde, à l’occasion de quelques étapes, en décembre dernier.

De plus en plus pratiqué, son style musical représente désormais presque un genre en soi. Si les intéressés se disent heureux et flattés d’une telle reconnaissance, ils y trouvent avant tout une source d’émulation. « Nous restons fidèles à nos postulats de départ en nous attachant à ne pas nous répéter, en cherchant à toujours évoluer », commente Hervé Carvalho.

Nous restons fidèles à nos postulats de départ en nous attachant à ne pas nous répéter, en cherchant à toujours évoluer.

Simplement intitulé ٣ (« trois » en arabe), le nouvel album du groupe témoigne d’une passion et d’une énergie créatrice intactes. Ayant pris forme lors de sessions au Shelter Studio – repaire parisien du groupe – ou à distance, il contient dix morceaux (dont un seul instrumental, le final « Sayarat 303 Part 2 »), conçus avec la participation de plusieurs invité·es.

Citons le jeune prince du raï Sofiane Saidi (« Leila »), la diva marocaine Ghizlane Melih (« Habaytak »), le chanteur algérien Khnafer Lazhar (« Acid Chawi », hymne en puissance aux spirales infernales) ou encore le musicien et chanteur syrien Wael Alkak (« Ya Mahla », obsédante psalmodie incantatoire). Proche ami de la bande, Rachid Taha effectue une vibrante apparition posthume (« Rachid Trip », hypnotique), sa voix provenant d’un enregistrement très spontané réalisé sur un smartphone peu de temps avant sa mort.

Parcouru d’une intense et très contagieuse fièvre hédoniste, ce troisième album devrait mettre de nombreux dancefloors en ébullition. Un peu plus de dix ans après sa mise à feu, Acid Arab flamboie au maximum.

Recevez Politis chez vous chaque semaine !
Abonnez-vous
Musique
Temps de lecture : 4 minutes