« L’utilité publique » du CHU Grand Paris Nord annulée en justice

Dans une décision rendue ce lundi 10 juillet, le tribunal administratif de Montreuil a jugé que le projet de campus hospitalo-universitaire portait « atteinte au droit fondamental à la protection de la santé ».

Nadia Sweeny  • 10 juillet 2023
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« L’utilité publique » du CHU Grand Paris Nord annulée en justice
© CDC / Unsplash

Gros camouflet pour les Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le tribunal administratif de Montreuil vient d’annuler, ce 10 juillet, l’arrêté d’utilité publique – pris en 2022 par Jacques Witkowski, préfet de la Seine-Saint-Denis – du campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris Nord. Contesté par Solidaire-santé et des médecins du collectif inter-hôpitaux, ce CHU devait mutualiser sur un même site les activités médicales et chirurgicales des hôpitaux Bichat (Paris 18e) et Beaujon (Clichy) ainsi que développer les activités de recherche et de formation en médecine de l’université Paris Cité. Prévu pour ouvrir à l’horizon 2028 et pour un budget évalué à 1,3 milliard d’euros, le projet vient de subir un coup d’arrêt par le tribunal administratif.

La cause ? « L’opération conduisait à diminuer, à périmètre constant, le nombre de lits d’hospitalisation de 1 131 à 941, le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173 et le nombre de naissance pouvant être accueillies de 3 238 à 2 000 », explique le tribunal administratif. Ainsi, « l’opération, dont la configuration ne permet pas des évolutions futures, conduisait à une diminution non compensée de l’offre de soins dans un territoire souffrant déjà d’importantes inégalités de santé et d’un accès à la médecine libérale inférieur à la moyenne nationale. » Le tribunal juge ainsi que ce projet « porte atteinte au droit fondamental à la protection de la santé, garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et précisé par les articles L. 1 110-1 et suivants du code de la santé publique. »

Le « tout ambulatoire » en ligne de mire

Par ailleurs, le tribunal a aussi relevé que le dossier soumis à enquête publique – précédant la décision d’arrêté du préfet – ne comportait pas un certain nombre de documents essentiels à l’information complète de la population. Une lacune qui a « vicié la procédure d’adoption de l’arrêté du 14 mars 2022. » L’AP-HP a annoncé dans une communiqué faire appel de cette décision et vouloir user de tous les moyens juridiques pour « retrouver les conditions nécessaires à la poursuite du projet. » L’organisme reconnaît cependant une baisse d’environ 15 % de lits d’hospitalisation classique mais tente d’argumenter une compensation par l’hospitalisation de jour promettant une augmentation de 25 % de patients de plus pris en charge, soit le développement de la politique contestée du « tout ambulatoire » qui pousse à l’accélération de la sortie du patient afin d’augmenter la rentabilité d’une place, souvent au détriment de la qualité de la prise en charge.

Sans répondre sur la procédure d’adoption de l’arrêté, elle indique que les travaux de démolition sur le chantier de l’hôpital à Saint-Ouen (93) continueront et s’engage à étudier « l’augmentation du dimensionnement d’un secteur hospitalier complémentaire de soins médicaux et de réadaptation, pour améliorer les parcours de soins des patients et répondre aux besoins du territoire. » Pour le moment, selon le tribunal administratif, le compte n’y est pas.

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