Se réconcilier avec les Français

TRIBUNE. Deux élus que tout pourrait opposer – Fabien Bazin, président du Conseil départemental de la Nièvre, et Bruno Piriou, maire de Corbeil-Essonnes – cosignent une tribune appelant la gauche écologiste à retrouver le chemin de la voix démocratique, partout et avec tous les Français.

• 25 août 2023
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Se réconcilier avec les Français
© Tom Barrett / Unsplash.

Nous sommes deux élus, l’un, président du conseil départemental de La Nièvre, l’autre maire de Corbeil-Essonnes. D’après les éditorialistes, tout devrait nous opposer : ici, un territoire rural vieillissant réduit à l’image de la diagonale du vide qui a voté majoritairement pour Marine Le Pen à la dernière présidentielle ; là, une banlieue populaire jeune de la région parisienne qui a voté très largement pour Mélenchon. Le seul trait d’union entre nous serait l’abstention massive, conséquence du fossé qui ne cesse de se creuser entre le peuple et ses représentants et à laquelle tout le monde semble s’être résigné.

Les projets individuels et collectifs locaux sont une source de développement et de réflexion.

Tout nous éloignait et, pourtant, le refus d’une telle résignation nous a rapprochés : de Corbeil à Corbigny, dans les salles des fêtes, les collèges, les hôtels de ville, nous avons patiemment invité des milliers de personnes. Ils sont venus ! Ils se sont rencontrés, écoutés, nous ont parlé, ont réfléchi avec nous à leur territoire et leur pays… Ces centaines et centaines d’échanges nous font dire à la fois que le pays est bien moins fragmenté qu’on ne le proclame partout et que la situation fait naître des attentes vis-à-vis de la gauche et les écologistes. Il y a de l’espoir.

Il y a de l’espoir pourvu que l’on prenne en compte le sentiment de déconsidération des citoyens. Ils sont très nombreux à s’intéresser à la politique mais à regretter que la politique ne s’intéresse pas à eux. Les discours et programmes les enferment dans des cases, des déterminismes territoriaux en décalage avec la réalité qu’ils vivent. Si on prend le temps d’écouter ces habitants, les besoins sont identiques dans la Nièvre et en banlieue parisienne : l’avenir de la jeunesse à investir, le lien humain à retrouver, l’égalité à assurer en matière de santé, d’éducation, d’emploi ou de transports… Si la gauche veut se donner les moyens de porter un projet politique pour notre pays dans trois ans, il n’y a pas à prioriser tel ou tel territoire, mais à créer une véritable dynamique citoyenne en allant écouter et travailler avec les habitants, dans tout le pays. Et l’urgence est de le faire sans a priori ni sectarisme, sans regarder s’ils « sont de gauche », s’ils ont voté Macron ou hésité entre l’abstention et Le Pen. Les écouter tous, pour construire avec eux, voilà la priorité.

Il y a de l’espoir pourvu que les habitants voient concrètement la confiance que leurs élus ont en eux pour penser et inventer l’avenir. Partout des initiatives nouvelles émergent que la mainmise de l’État central étouffe ; l’absence de droit à l’expérimentation, qu’il s’agisse de citoyens, d’associations, d’entreprises ou de collectivités locales, voilà ce qui malheureusement façonne aujourd’hui notre pays. Voilà longtemps que les électeurs ont compris que la gauche avait du mal à tenir ses engagements. Nul doute que les obstacles (finance, haute administration…) malmènent parfois les ambitions de progrès social. Mais, face à la montée des périls et des inégalités, les Français ne demandent qu’à y croire. Ce que montrent les démarches conduites à Corbeil-Essonnes et dans la Nièvre, c’est que les projets individuels et collectifs locaux sont une source de développement et de réflexion qui peut nourrir un projet politique inscrit dans l’histoire de la gauche et du pays.

Einstein disait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». Alors voilà…

Retrouver du plaisir à réfléchir et chercher ensemble des réponses.

Depuis deux ans, nous allons à la rencontre des gens, mus par deux certitudes : le besoin de restaurer la confiance en construisant les politiques publiques autrement, et la nécessité d’y parvenir par le dialogue direct. Il est évidemment trop tôt pour que nous soyons totalement rassurés sur l’issue du travail politique engagé. En revanche, si rien ne change dans nos pratiques politiques, l’organisation de nos partis ou le mépris pour la question démocratique, la hausse de l’abstention et le recours des derniers votants à un régime autoritaire d’extrême droite se poursuivront.

La recette, au final, peut sembler étonnamment simple : retrouver du plaisir à réfléchir et chercher ensemble des réponses. Et ainsi gommer les clivages, redonner à la politique sa noblesse perdue et lui permettre de redevenir ce qu’elle ne devrait jamais cesser d’être, la construction citoyenne pour vivre toutes et tous heureux. Cela demande travail et humilité, mais il n’y a aucune raison de penser que ce qui est vrai de nos territoires ne pourrait pas l’être pour la France.

L’espoir peut naître de cela.

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