« L’Étoile de la mer », écrire contre le poids des souvenirs
Elias Khoury raconte l’histoire d’Adam, un Palestinien vivant en Israël, né en 1948 dans le ghetto de Lod et, par la force des choses, en proie à des problèmes d’identités.
dans l’hebdo N° 1780 Acheter ce numéro

© Robert Harding via AFP
Libanais né en 1948 à Beyrouth dans un quartier chrétien, le citoyen Elias Khoury a pris fait et cause pour le peuple palestinien lorsqu’à 20 ans il a découvert les camps de réfugiés en Jordanie. Une histoire qui ne pouvait rester étrangère à l’œuvre d’Elias Khoury devenu écrivain. Après ses premiers livres qui avaient pour cœur la guerre civile au Liban, il a publié en 1998 La Porte du soleil (1), roman considéré comme une référence littéraire essentielle quant à l’évocation de la Nakba (« la catastrophe »), c’est-à-dire la dépossession des Palestiniens et l’exil forcé de 700 000 d’entre eux lors de la création de l’État d’Israël en 1948. Roman porté à l’écran par Yousry Nasrallah en 2004.
Si ses romans suivants n’ont pas quitté les rives du Proche-Orient, Elias Khoury s’est récemment lancé dans une trilogie ayant pour titre « Les Enfants du ghetto », qui s’attache au sort des Palestiniens vivant en Israël, autrement dit ces « Arabes » qui n’ont pas les mêmes droits que les citoyens juifs. Après Je m’appelle Adam (2), voici L’Étoile de la mer, où l’on retrouve Adam, protagoniste et narrateur, même si celui-ci emploie le pronom de la troisième personne du singulier – on y reviendra. Les deux romans peuvent se lire indépendamment.
Mais qui a lu le premier sait d’ores et déjà qu’Adam a passé la dernière partie de sa vie à New York, où il écrit le roman que l’on est en train de lire, et a vu le jour dans le ghetto de Lod (nom actuel du village qui, en arabe, s’appelait Lydda). En 1948, les Israéliens ont en effet institué des ghettos entourés de barbelés dans certains lieux pour y parquer dans des conditions inhumaines des Palestiniens. Adam fut le premier nouveau-né du ghetto de Lod. Il porte aussi le nom du premier homme de l’humanité.
L’Étoile de la mer se situe dans les années 1960, quand Adam a 15 ans, jusqu’à ses années de jeune adulte, avec quelques échappées plus tardives. Le roman s’ouvre sur une première scène qui est un adieu et une nouvelle naissance. Adam quitte en effet la demeure familiale, laissant derrière lui sa mère chérie, Manal, qui, après la mort de son premier mari, Hassan Dannoun, combattant martyr, s’est remariée avec un homme dur, maltraitant, qu’elle a suivi à Haïfa où ils se sont installés.
Métamorphose intérieureUne fois passé le seuil de la maison, Adam va franchir une frontière interdite au gré d’une métamorphose intérieure. Une pluie drue s’abat sur lui – l’eau, sous toutes ses formes (les larmes, la mer…), a ici une présence particulière – comme si elle le lavait de qui il était ou le baptisait. L’adolescent, « grand garçon aux cheveux blonds, presque châtain clair » va d’abord endosser un nouveau nom, Adam Dannoun devenant Adam Danôn. Puis, peu à peu, il va se faire passer pour juif. Il en a le physique et connaît bien l’hébreu, aimant cette langue et ses poètes.
L'imposture n’est pas le sujet même du livre, elle offre plutôt une voie vers autre chose.
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