« Depuis 2020, nous avons vraiment changé de planète »

Loi anti-marchands de sommeil, logements sociaux, relations entre ville et métropole : Patrick Amico, adjoint au logement, défend son bilan depuis l’arrivée à la mairie du Printemps marseillais. 

Tristan Dereuddre  • 15 novembre 2023 abonné·es
« Depuis 2020, nous avons vraiment changé de planète »
La montée des Accoules à Marseille, dans le 2e arrondissement.
© Matthieu Joannon / Unsplash

Le maire Benoît Payan a déclaré, dans une tribune publiée par Le Monde le 4 novembre, son intention de porter une loi contre les marchands de sommeil. Quel serait son contenu ?

Patrick Amico : Il faut avoir en tête que la qualification de « marchand de sommeil » n’existe pas clairement aujourd’hui, aussi il est très difficile pour les juges de qualifier cette notion. Nous proposons donc un projet de loi qui apporte une définition claire en caractérisant le marchand de sommeil comme toute personne qui met à disposition, contre rémunération de service, un logement indécent, insalubre ou présentant des problèmes de sécurité. Cela fait référence à un droit constitutionnel : celui de pouvoir se loger de manière décente pour sa propre sécurité. La loi doit également alourdir les peines contre les marchands de sommeil et permettre plus facilement de saisir leurs biens, voire de leur interdire de racheter des logements pendant trente ans. Nous ne devons pas non plus épargner les professionnels, syndics ou administrateurs qui se rendent parfois complices, sans les déclarer, des marchands de sommeil.

Patrick Amico Marseille
« Lorsque nous avons repris la mairie, la politique du logement à la ville de Marseille faisait l’objet d’un demi-poste, non pourvu ! » (Photo : DR.)

Vous vous êtes fixé un objectif de 10 000 nouveaux logements d’ici à 2030. Vous paraît-il atteignable ?

Pourquoi ne le serait-il pas ? L’horizon de 2030 nous laisse tout de même sept ans. Aujourd’hui, nous sommes soumis à un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), voté en 2019, ultra-restrictif. Il ne permettrait au total que 3 000 à 3 200 logements en construction. Nous essayons de le modifier par tous les moyens dans le cadre des possibilités légales. Mais la production de la ville devrait être de l’ordre de 1 200 logements sociaux locatifs neufs par an. Aujourd’hui, nous sommes remontés au-dessus de la barre des 1 000 agréments par an, après être descendus à 600 / 650 en 2020 avec l’ancienne municipalité.

Le plan local d’urbanisme est une compétence de la métropole, et vous faites appel au législateur pour lutter contre les marchands de sommeil. À vous entendre, on a le sentiment que la ville de Marseille n’a pas de marge de manœuvre…

Notre marge de manœuvre consiste surtout à prendre en charge ce que la métropole devrait prendre en charge – ce qu’elle refuse encore. Lorsque nous avons repris la mairie, la politique du logement à la ville de Marseille faisait l’objet d’un demi-poste, non pourvu ! Tout avait basculé à la métropole, il ne se passait plus rien. On a seulement assisté à une panique absolue, consécutive au drame de la rue d’Aubagne, à des évacuations qui faisaient suite aux arrêtés de péril en série. Aujourd’hui, la direction du logement et de l’habitat indigne compte plus de 120 personnes. Nous avons donc changé de dimension. Nous constatons avec plaisir que la métropole nous suit sur les problématiques de logement, ce qui n’était pas forcément le cas au départ : elle ne discute pas du programme local de l’habitat (PLH) que nous avons proposé, et la tendance est, a priori, à la modification du PLUi.

Sur le même sujet : Rue d’Aubagne à Marseille, « une tragédie qui n’aurait jamais dû survenir »

D’ici combien de temps peut-on espérer un Marseille où il fera bon vivre ? À titre de comparaison, Paris avait mis environ dix ans pour régler le problème de l’insalubrité.

Il a fallu à Paris une dizaine d’années pour régler le problème de l’habitat indigne avec des moyens financiers colossaux dont ne dispose pas aujourd’hui Marseille – deuxième ville de France, mais où se pose sûrement le plus gros problème d’habitat indigne du pays. Ici, il nous faudra peut-être quinze à vingt ans, les problèmes ne seront pas résolus d’un coup de baguette magique. Tout a changé depuis 2020, même si cela ne se traduit pas aujourd’hui directement par des travaux livrés en ville et des habitants satisfaits partout. Nous savons qu’il y a des attentes, des impatiences, mais nous avons vraiment changé de planète : ça, je peux le garantir.

Le problème principal est d’arriver à conserver des populations dans des immeubles qui tiennent debout.

Dans cette perspective d’amélioration, comment préserver la mixité sociale à laquelle vous affirmez tenir, notamment dans le centre-ville ? Comment éviter une augmentation des prix et une potentielle gentrification ?

La gentrification est un faux débat pour moi. Ce peut être une réalité dans certains endroits, mais ce n’est pas le problème principal du centre-ville, aujourd’hui. Le problème principal est d’arriver à conserver des populations dans des immeubles qui tiennent debout, qui ne soient plus des passoires énergétiques, et dans des conditions de logement correctes. Nous combattons aussi ce scénario de gentrification au moyen de nos programmations : sur la première tranche de travaux et d’immeubles maîtrisés par la Spla-IN, nous allons réaliser 70 % de logements sociaux, en accord avec la métropole et l’État. Ça, c’est un moyen de lutter efficacement contre la gentrification.

Tout Politis dans votre boîte email avec nos newsletters !

Pour aller plus loin…

29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine
Mobilisation 28 novembre 2025

29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine

Ce samedi, une manifestation nationale pour la Palestine rassemblera à Paris plus de 85 organisations : associations, syndicats et l’ensemble des partis de gauche. Une configuration inédite depuis le 7 octobre 2023, la plupart des structures politiques restant jusqu’ici en retrait ou divisées lors des mobilisations.
Par Caroline Baude
Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche
Répression 28 novembre 2025

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche

Fin septembre, le gouvernement français a été interpellé par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les atteintes aux droits humains qu’entraînerait la dissolution d’Urgence Palestine. Politis a pu consulter la réponse du gouvernement, qui évacue les questions, arguant que la procédure est toujours en cours.
Par Pauline Migevant
« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement
Reportage 27 novembre 2025 abonné·es

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement

Si le centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel-sur-Seine, situé en pleine forêt, n’existe pas dans la tête des gens habitant aux alentours, l’enfermement mental et physique est total pour les femmes et les hommes qui y sont retenus. Politis a pu y rentrer et recueillir leurs témoignages.
Par Pauline Migevant
« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »
La Midinale 26 novembre 2025

« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »

Anne Tuaillon, présidente de l’association France Palestine Solidarité, est l’invitée de « La Midinale ». Ce samedi 29 novembre, 85 organisations dont LFI, le PS, le PCF, les Écologistes, la CGT et beaucoup d’autres, organisent une grande mobilisation pour la défense des droits du peuple palestinien sur la base du droit international.
Par Pablo Pillaud-Vivien